Budget 2024-2025: plus d’argent en santé et en éducation, déficit zéro repoussé
Jacques Boissinot/La Presse Canadienne
Le déficit étant presque quatre fois plus important que prévu, à 11 milliards $, le gouvernement Legault choisit de reporter le retour à l’équilibre budgétaire à 2029-2030 et de protéger des missions essentielles comme la Santé et l’Éducation.
C’est ce qu’a fait savoir le ministre des Finances, Eric Girard, lors de la présentation de son sixième budget, mardi, au Centre des congrès de Québec.
Le budget 2024-2025 s’inscrit dans un contexte «difficile», a-t-il dit, alors que l’économie stagne, les revenus ne sont pas au rendez-vous et les dépenses augmentent, pensons notamment aux hausses salariales consenties aux travailleurs du secteur public.
Le gouvernement avait tablé dans sa mise à jour économique de l’automne dernier sur des hausses salariales de 10,3 % sur cinq ans; il s’est finalement entendu avec les syndicats sur des augmentations de 17,4 %, une dépense qu’il évalue à plus de 3 milliards $ par année.
M. Girard attribue également le déficit – le plus gros de l’histoire du Québec en dollars absolus, a-t-il reconnu – au «désengagement» du gouvernement fédéral, aux feux de forêts qui ont nui à la production d’électricité, ainsi qu’aux dépenses «permanentes» associées à la pandémie de COVID-19.
«Oui, il y a un déficit qui est élevé, a déclaré M. Girard lorsque questionné en conférence de presse sur le legs qu’il laissera à titre de ministre des Finances, mais j’aimerais vous suggérer que le déficit est gérable et qu’on va s’en occuper.»
Efforts d’«optimisation»
Si la Santé et l’Éducation continuent de recevoir la part du lion des investissements (4,9 milliards $ d’ici six ans), il n’en est pas de même pour les autres ministères, qui devront pour la plupart limiter leurs dépenses.
Le gouvernement lance par ailleurs un grand chantier de révision des programmes, en plus d’imposer aux sociétés d’État, comme Hydro-Québec, un régime minceur: elles devront faire un «effort d’optimisation» de 1 milliard $ au cours des cinq prochaines années.
Eric Girard annonce également une réduction de l’aide fiscale aux entreprises d’environ 1 milliard $ sur cinq ans, et l’augmentation, dès mercredi, de la taxe sur le tabac. Les Québécois devront payer 2 $ de plus par cartouche de 200 cigarettes, et un 2 $ additionnel à compter du 6 janvier 2025, ce qui rapportera 300 millions $ sur cinq ans.
En environnement, la subvention pour les véhicules électriques neufs, qui est présentement de 7000 $, passera à 2000 $ en 2026. Selon le ministre Girard, cette mesure ne réduit pas suffisamment les émissions de gaz à effet de serre.
Le Québec dans le rouge
Le Québec devait renouer avec le déficit zéro en 2027-2028. Mardi, le ministre Girard a indiqué qu’un plan de retour à l’équilibre budgétaire sera présenté au moment de la publication du prochain budget.
Il annonce incidemment un déficit «structurel» de 4 milliards $. Pour l’éliminer, l’écart entre les croissances de revenus et de dépenses, qui est présentement de 0,4 %, devra atteindre 1,1 point de pourcentage d’ici 2028-2029, a-t-il expliqué.
Lundi, l’Institut du Québec prévenait que l’atteinte de l’équilibre budgétaire serait un défi de taille pour le gouvernement québécois, disant entrevoir que la croissance des revenus pourrait avoir du mal à suivre celle des dépenses à long terme.
Entre-temps, la dette s’alourdit et s’établira à 40 % du PIB au 31 mars 2025, le service de la dette demeurant le cinquième poste budgétaire en importance. Le gouvernement a réitéré, mardi, son engagement de faire passer la dette à 30 % du PIB d’ici 2037-2038.
Mauvaises décisions
Le gouvernement Legault est repris par la série de «mauvaises» décisions qu’il a prises depuis son arrivée au pouvoir, a réagi le porte-parole de l’opposition officielle en finances, Frédéric Beauchemin.
Il a rappelé que les caquistes ont pigé dans le Fonds des générations l’année dernière afin de financer des baisses d’impôt, et ce, après avoir distribué des chèques «électoralistes» à la population dans un contexte d’inflation.
«La Coalition avenir Québec a perdu le contrôle des finances publiques», a lancé M. Beauchemin en point de presse.
Il manque un mot dans ce budget, c’est «logement», a ajouté le député de Québec solidaire Haroun Bouazzi, qui déplore l’absence de mesures significatives pour relancer la construction résidentielle. «Entre-temps, la crise continue», a-t-il dit.
De son côté, le Parti québécois (PQ) a souligné l’incapacité du gouvernement caquiste d’aller chercher toutes les sommes qu’il réclame du gouvernement fédéral, notamment en santé.
«Lorsqu’on fait le cumul de ces ratés-là, (…) on dépasse le cap des 10 milliards $», a dénoncé le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon.
Le Parti conservateur du Québec a déploré le pire déficit de l’histoire du Québec et prédit que ce serait le dernier budget de M. Girard. «On considère que c’est de l’incompétence», a déclaré le chef conservateur Éric Duhaime.
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