Il y a 30 ans naissait un nouveau parti politique: l’Action démocratique du Québec (ADQ). Bien que la formation politique aujourd’hui disparue n’ait jamais pris le pouvoir, elle a contribué à façonner le paysage politique du Québec en ouvrant une troisième voie entre le Parti québécois (PQ) et le Parti libéral (PLQ) qui mènera à l’élection de la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault, selon son ancien chef Mario Dumont.
L’ADQ est fondée en mars 1994 dans la foulée des échecs successifs des accords du Lac Meech et de Charlottetown par des militants libéraux plus nationalistes. Parmi ceux-ci, on retrouve Jean Allaire, auteur d’un rapport prônant plus d’autonomie pour le Québec, et Mario Dumont, qui a été président de la Commission jeunesse du PLQ. Les deux hommes quittent la formation politique en 1992 et créent l’ADQ deux ans plus tard. Jean Allaire en sera le premier chef, mais quittera rapidement en raison de problèmes de santé. Mario Dumont, alors âgé de seulement 23 ans, est choisi pour le remplacer.
Bien que les premiers adéquistes aient été des libéraux, la nouvelle formation politique attire des individus d’autres horizons. «Au moment de fonder l’ADQ, les libéraux démissionnaires, c’était peut-être un tiers des gens. C’était notre noyau de départ, mais il y avait beaucoup d’autres gens qui se sont joints. Des gens déçus du PQ», indique Mario Dumont en entrevue avec La Presse Canadienne.
«Ça aurait été “loser”»
Bien que l’ADQ souhaite proposer une option pour les électeurs se situant entre l’indépendantisme du PQ et le fédéralisme du PLQ, elle ne pourra éviter de se positionner lors du référendum de 1995. «Tu ne peux pas vivre en société avec un enjeu aussi important et ne pas te positionner», explique Mario Dumont.
Puisque rejoindre le camp du «Non» aurait été synonyme de retourner vers le PLQ, l’ADQ fera campagne en faveur de l’indépendance du Québec. «On venait de démissionner du PLQ, car il avait abandonné les aspirations nationalistes du rapport Allaire. Alors retourné dans le camp du “Non” avec les libéraux, ça aurait été “loser”», lance celui qui est aujourd’hui animateur à TVA.
«Notre camp naturel, c’était le camp du “Oui”», ajoute l’ancien chef de l’ADQ. Selon Mario Dumont, son parti a eu une influence sur la question du référendum. «La notion de partenariat avec le reste du Canada était importante. On a fait infléchir la démarche référendaire de Jacques Parizeau», soutient-il.
Après le deuxième échec référendaire, le parti de Mario Dumont propose un moratoire de dix ans sur les questions constitutionnelles. L’ADQ se positionne également comme un parti plus à droite économiquement, prônant la responsabilité fiscale, la réduction de la taille de l’État et une plus grande ouverture au privé.
Les premiers élus
Les débuts de l’ADQ seront laborieux. Mario Dumont – élu pour la première fois en 1994 dans la circonscription de Rivière-du-Loup – restera longtemps le seul député adéquiste à l’Assemblée nationale.
En 2002, le parti gagnera plusieurs élections partielles, mais les résultats du scrutin de l’année suivante seront mitigés. L’ADQ n’obtient que quatre sièges.
«En 2003, un an avant l’élection, on était de loin premier dans les sondages. Il y avait vraiment eu une grosse montée», se souvient Mario Dumont. «Le PQ a lancé une campagne spectaculaire de destruction: ayez peur, un parti de droite, c’est le danger», ajoute-t-il.
La campagne du PQ contre l’ADQ profite plutôt au PLQ de Jean Charest: l’élection de 2003 portera au pouvoir un gouvernement libéral majoritaire.
La montée et la débandade
À partir de 2006, la question des accommodements raisonnables commence à faire couler beaucoup d’encre au Québec. Le sujet sensible donnera naissance à la commission Bouchard-Taylor en 2007.
À l’époque, l’ADQ se montre critique de ces accommodements et prend un virage plus identitaire. Un positionnement qui sera payant: la formation politique parvient à former l’opposition officielle en 2007 avec 41 députés face à un gouvernement libéral minoritaire.
L’ancien chef adéquiste soutient aujourd’hui qu’il était certain de devenir l’opposition officielle et que son parti avait même des chances de former un gouvernement. «Je pense encore que c’est ce soir-là qu’il aurait fallu gagner. En ne gagnant pas, on se retrouvait dans un gouvernement minoritaire, un peu condamné à notre perte», soutient Mario Dumont.
Bon nombre de députés adéquistes sont sans expérience politique au moment de leur entrée à l’Assemblée nationale et cela transparaît. «On avait des nouveaux députés. Un qui avait dit une mauvaise phrase. Un autre qui s’est trompé dans les règlements de l’Assemblée nationale», raconte-t-il.
Malgré tout, Mario Dumont croit que ces histoires ont été montées en épingle et que les journalistes ont joué un rôle dans la débandade du parti en 2008. «Il faut quand même le dire, il y avait une hostilité médiatique impressionnante. Quand arrive l’élection de 2008, on n’est même plus montrable», soutient-il.
Le positionnement plus nationaliste de l’ADQ va déplaire à sa frange libertarienne, qui reproche aussi au parti d’être devenu trop interventionniste. «Il y a eu toutes sortes de tendances: des plus nationalistes, des moins nationalistes. Il y a eu ce courant-là (libertarien) autour d’Éric Duhaime et d’autres», explique-t-il.
«C’est jamais simple de gérer un parti. Quand tout va bien, quand les sondages sont bons, c’est tel quel. La minute où tu as des difficultés et que ça baisse dans les sondages, chacun a sa solution, chacun sait ce qu’il faudrait faire pour que ça remonte», ajoute M. Dumont.
Évoquant le prétexte de la crise économique, le chef libéral Jean Charest déclenche des élections afin d’obtenir une majorité en 2008.
C’est la débâcle pour l’ADQ qui se retrouve avec seulement sept députés à l’issue de ce scrutin. Mario Dumont annonce son départ. C’est le début de la fin pour la formation politique qui sera finalement avalée par la CAQ de François Legault en 2012. L’ancien chef a refusé de se prononcer sur cette fusion à l’époque et maintient encore aujourd’hui cette position lorsque questionné par La Presse Canadienne.
«Je n’ai jamais vu la CAQ comme la continuité de l’ADQ»
Mais que reste-t-il de l’ADQ après avoir disparu dans les entrailles de la CAQ? «Je n’ai jamais vu la CAQ comme la continuité de l’ADQ. C’est un autre parti, mais qui a sûrement été aidé par le terrain qu’on a défriché. Ça, c’est certain que ça a aidé la CAQ. Il y a des gens qui se sont habitués à voter autre chose que PQ ou libéral», explique-t-il.
Selon lui, l’ADQ se situait plus à droite sur l’échiquier politique alors que la CAQ est davantage un parti de centre, qu’il juge «assez dépensier». Et le déficit de 11 milliards $ du dernier budget du ministre Eric Girard lui donne raison.
Il reconnaît toutefois que certaines idées de son parti ont été reprises par la CAQ, comme l’abolition des commissions scolaires. «Mais il y a des choses qu’on a proposées qui ne se sont jamais faites», nuance-t-il.
Après toute cette épopée politique, l’ancien chef de l’ADQ pense-t-il un jour retourner dans l’arène partisane? «Pas du tout, ce n’est pas du tout dans mes intérêts.»
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