L’intelligence artificielle pour détecter les maladies rares chez les enfants

Par Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne 11:58 AM - 2 juin 2024
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L'algorithme ThinkRare, du CHEO, a jusqu'à présent une fiche parfaite: les trois premières personnes repérées par l'outil et aiguillées vers des tests génétiques ont reçu un diagnostic de maladie rare. THE CANADIAN PRESS/Adrian Wyld

Un algorithme d’intelligence artificielle mis au point par l’Hôpital pour enfants de l’est de l’Ontario, le CHEO, a jusqu’à présent permis de repérer une quinzaine de petits patients potentiellement atteints d’une maladie génétique rare qui était jusqu’à présent passée sous le radar.

De nouveaux tests seront maintenant proposés à ces patients pour déterminer s’ils sont bel et bien atteints d’une maladie rare, ce qui, le cas échéant, permettra de les prendre en charge plus rapidement.

«Les maladies rares sont rares en elles-mêmes, mais collectivement elles touchent environ un Canadien sur cinq, a rappelé Alexandre White-Brown, qui est conseiller génétique au CHEO. Elles sont donc plus fréquentes qu’on le pense. La difficulté réside dans l’identification des patients ayant des maladies rares non diagnostiquées.»

L’algorithme ThinkRare parcourt les dossiers de santé électroniques du CHEO en fonction de critères établis, un travail de moine qui serait presque impensable sans la puissance de l’intelligence artificielle. Il utilise essentiellement deux critères pour détecter un patient qui pourrait être atteint d’une maladie rare, a indiqué M. White-Brown: les symptômes qu’il présente et les différentes spécialités qu’il a consultées au CHEO au fil du temps.

Les enfants signalés par l’algorithme sont redirigés vers la clinique de génétique de l’hôpital.

ThinkRare a jusqu’à présent une fiche parfaite: les trois premières personnes repérées par l’outil et aiguillées vers des tests génétiques ont reçu un diagnostic de maladie rare. L’algorithme a d’ailleurs été optimisé pour éviter le plus possible qu’il génère des faux positifs en pointant du doigt les patients dont les symptômes pourraient être attribuables à d’autres sources, a dit M. White-Brown.

«C’est toujours difficile d’avoir une sensibilité de 100 % et il y a toujours des faux positifs, a-t-il rappelé. Mais avec la version optimisée de l’algorithme, on en a moins.»

Un diagnostic de maladie rare permettra de clarifier la prise en charge médicale nécessaire, a ajouté M. White-Brown.

Cela pourra aussi avoir des retombées positives pour l’entourage immédiat du patient, comme ses frères et sœurs qui pourront maintenant avoir besoin d’un suivi particulier.

Mais le plus important, a dit M. White-Brown, est la tranquillité d’esprit qu’un diagnostic de maladie rare peut apporter à la famille du patient.

Les patients atteints de maladies rares, a-t-il ajouté, veulent souvent savoir si le problème est dû à quelque chose qui a été fait pendant la grossesse ou qui n’a pas été fait pendant l’enfance.

«Ils veulent savoir d’où viennent ces symptômes, a dit M. White-Brown. Maintenant, avec un diagnostic, on peut leur dire que non, c’est quelque chose de génétique qui était déjà là, une chose qu’on ne peut pas changer, une chose qu’on ne pouvait pas prédire. Mais maintenant, avec un diagnostic génétique, on peut essayer d’améliorer la vie de votre enfant avec une gestion médicale un petit peu plus précise.»

Cette prise en charge pourra faire une différence au point de sauver la vie du patient, a-t-il rappelé, par exemple en le référant à la clinique de cardiologie pour un échocardiogramme ou une imagerie maintenant devenus pertinents.

Le CHEO espère pouvoir partager son algorithme avec d’autres hôpitaux qui en auraient besoin, mais cela nécessiterait tout d’abord une adaptation avec le codage des dossiers médicaux en vigueur dans chaque province, a conclu M. White-Brown.