Mettre fin au trou noir « c’est rien pour le Canada »

1 mars 2017
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Baie-Comeau – Le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC), Action-Chômage Haute-Côte-Nord et Mouvement Action-Chômage (MAC) de Charlevoix demandent au gouvernement d’allonger la période de prestation de l’assurance-emploi dès le prochain budget afin que tous aient droit à des prestations suffisantes pour survivre jusqu’à la prochaine période de travail.

Les trois organismes ont lancé d’une même voix le 21 février, une campagne de sensibilisation pour mobiliser la population vers une solution à ce qu’ils considèrent comme un « véritable drame humain ». Plus de 16 000 travailleurs saisonniers, dont 40 % viennent du Québec, sont aux prises avec le phénomène du trou noir et voient leurs prestations d’assurance-emploi prendre fin avant leur retour au travail, pour des durées allant parfois jusqu’à quatre mois. « Adapter la période de prestation pour 16 000 travailleurs, c’est rien pour un pays comme le Canada », a lancé Line Sirois, porte-parole d’Action-Chômage Haute-Côte-Nord.

Les porte-parole espèrent rallier la population avec leur campagne afin de faire pression sur le gouvernement. Déjà, lors du lancement, nombreux étaient les travailleurs, groupes communautaires, syndicats, députés, représentants des municipalités et employeurs présents pour leur donner leur appui. Un représentant de la communauté innue de Pessamit était aussi sur place. « Une campagne lancée avec une mobilisation comme il y a ici, ça ne peut être qu’un franc succès », a affirmé le porte-parole du CNC, Claude Guimond. Celui-ci a également interpelé directement les députés libéraux Rémi Massé et Diane Lebouthillier afin qu’ils interviennent en Chambre à ce sujet.

Drame humain

Quatre travailleurs ont pris la parole pour raconter la situation qu’ils vivent, pour plusieurs, année après année depuis très longtemps. Raynald Tremblay, de Longue-Rive, a travaillé 24 ans chez Kruger avant de perdre son emploi. Il en a trouvé un autre dans le domaine saisonnier et recommence en mai, mais en attendant, ses prestations se terminent bientôt. « C’est un moyen casse-tête. […] L’hypothèque, faut que ça se paye. […] Il me reste deux ans à travailler, je pensais jamais me retrouver dans cette situation-là », a déclaré l’homme, qui affirme que le stress qu’il subit affecte sa santé.

Julien Lavoie, de Charlevoix, travailleur forestier depuis 20 ans, parle de l’incertitude vécue en ces mots : « Ne pas savoir chaque année si j’aurai assez d’argent pour payer mes factures. Je travaille à l’extérieur, je ne sais jamais quand je vais commencer et quand je vais terminer. »

La situation est pour le moins paradoxale, puisque d’autres zones de découpage peuvent obtenir plus de semaines d’assurance-emploi. À l’usine Crustacés Baie-Trinité, des travailleurs provenant de la rive sud reçoivent en effet plus de semaines pour le même nombre d’heures que leurs collègues habitant sur la Côte-Nord, pour le même travail, au même endroit. « Pourquoi nous on a droit à 18 semaines et certains à 32 semaines », a questionné une travailleuse de l’usine, Guylaine Marceau, qui affirme vivre la même situation depuis 30 ans.

Selon les porte-parole des trois organismes, le trou noir est un frein au développement économique des régions. « Le trou noir dévitalise les régions et participe à l’exode des travailleurs de nos régions », a martelé Line Sirois.

Sa collègue de MAC Charlevoix, Julie Brassard, parle quant à elle de pertes de « 600 000 $ dans l’économie de Charlevoix au printemps 2017. » Tous s’entendent : les travailleurs saisonniers sont là pour rester et l’industrie comme les employeurs ont besoin d’eux.

Une promesse pas encore tenue

Les organismes ont également rappelé que le premier ministre Justin Trudeau s’était engagé, lors de la campagne électorale, à défaire la réforme de l’assurance-emploi menée par le gouvernement conservateur. Il est temps selon eux qu’il mette sa promesse à exécution.

Yvon Payeur, du conseil central Côte-Nord de la CSN, a affirmé qu’outre le trou noir, qui doit être réglé rapidement, l’assurance-emploi doit subir une réforme en profondeur. « Il faut que l’accessibilité augmente pour tout le monde. […] Il ne faut plus que le gouvernement ait le droit d’aller piger dans cette caisse-là », a-t-il noté, suscitant les applaudissements de la salle.

Les autres organismes partagent cette opinion. Claude Guimond croit qu’après la prolongation de la période de prestations, le gouvernement pourrait réunir les intervenants et réévaluer l’assurance-emploi et, pourquoi pas, instaurer un programme « qui tiendrait compte de la réalité des travailleurs saisonniers ».

Si le redécoupage des zones pour l’assurance-emploi est également évoqué comme solution possible, les intervenants croient qu’il serait moins viable que la prolongation des semaines de prestations, puisqu’il pourrait régler la situation pour une région, mais transférer le problème à une autre.