Célébrer nos clichés

Par Erika Soucy 19 février 2019
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J’ai écrit une pièce de théâtre; une adaptation de mon roman Les murailles. L’histoire parle de chez nous, du fly in fly out, de La Romaine…

En avril, je jouerai dedans. Les représentations auront lieu à Québec, mais on travaille activement pour la faire tourner en région.

La langue des personnages est celle de la Côte-Nord; avec son accent, ses structures de phrases et ses expressions. J’y explique même ce qu’est un « chouenneux ». C’est une langue que j’entends peu au quotidien et que je me réapproprie avec joie, ces jours-ci. Comme une chanson que je sais par cœur à laquelle je n’avais pas pensé depuis longtemps.

Je me retrouve aussi à jouer mon propre personnage. Une version de moi condensée de toutes les fois où j’ai conté une anecdote incroyable qui s’est passée par chez nous. Quand ça arrive, je prends toujours un ton plus grave, plus ample, plus détendu; un ton parent avec celui de mes oncles quand ils veulent m’impressionner. C’est ce ton-là que je recrée sur scène, naturellement.

Dans ce projet, j’essaie de rester sincère et vraie, parce que les créateurs qui abordent des thèmes régionaux s’exposent tous au même risque : verser dans la caricature ou le pittoresque. Je ne veux surtout pas passer un commentaire sur le monde de chez nous. Je veux m’y inclure, en faire partie et m’exprimer depuis son centre. Dire au public que je viens de là et montrer que j’en suis fière avec notre langue, nos expressions, notre accent, mais aussi nos références et nos clichés. Parce que oui, nous portons des clichés.

Les pick up, la chasse, la pêche, les Ski-Doo, les campes dans le bois, la Budweiser… Ce ne sont que quelques exemples de clichés qu’on nous attribue assez facilement.

Et j’ose répondre : « Ouin pis ? » Chaque lieu porte ses références. Tous les clichés naissent d’une vérité commune, propre à chaque territoire. Avec ma pièce de théâtre, je veux exposer nos clichés, les célébrer, en faire de l’art. En les remettant en contexte, je souhaite qu’on les comprenne et qu’on voit au-delà de leur côté risible mais attachant. Risible mais attachant… C’est ce que je veux dire par « pittoresque ».

On a parfois besoin de se rappeler que la marque du pick up ou la sorte de bière d’une personne ne le définissent pas. C’est son humanité qui importe, son histoire, ses épreuves… Ce sont ces trois choses que j’ai choisi de raconter sur les hommes et les femmes de chez nous, sur les membres de ma famille et sur les travailleurs du Nord qui se retrouvent tous dans ma pièce de théâtre.

Pourquoi je vous parle de ça? Parce que je vais diminuer un peu la cadence de mes publications ici. D’une chronique aux deux semaines, je passe à une chronique par mois… Jusqu’au mois de mai ! Après, je reprendrai le rythme initial. Je sais que je viens tout juste d’arriver dans ces pages, mais j’avais surévalué le nombre d’heures dans mes journées…! Les prochains mois seront surtout dédiés aux répétitions de ma pièce Les murailles, un espace où je tâcherai de vous faire honneur. À très bientôt !

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