Vaccination : cinq mythes déboulonnés par un expert

Par Karine Dufour-Cauchon 7:58 AM - 8 avril 2021
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La vaccination se déroule à la clinique de vaccination de masse au Club de Curling Nairn.

Plusieurs mythes circulent concernant la vaccination contre le virus de la COVID-19. Comment discerner le vrai du faux? Nous avons demandé à l’expert Nicholas Brousseau, médecin spécialiste à l’Institut national de santé publique du Québec et président du Comité sur l’immunisation du Québec, son avis sur cinq rumeurs populaires et tenaces.

1)Si je me fais vacciner, je vais en ressortir paralysé

«Peu importe quel vaccin, il n’y a pas de lien entre la paralysie et la vaccination. Dans le cas de la COVID-19, trois vaccins sont présentement approuvés par Santé Canada. Les effets cliniques de ces vaccins ont été testés sur plusieurs dizaine de milliers de personnes. Des millions de doses ont été données. Il n’y a pas de problèmes neurologiques ou de paralysie qui ont été déclarés, pas plus chez les personnes vaccinées que les non vaccinées. C’est bon pour tous les problèmes potentiels : les maux de tête, par exemple. On continue à suivre de près les effets de la vaccination sur les gens qui la reçoivent. C’est obligatoire. Tous les professionnels de la santé du Québec qui notent quelque chose qui arrive après la réception du vaccin, que ce soit lié ou non au vaccin, doivent le rapporter. Il y a un système de surveillance en place au Québec pour cela.»

2) Si je me fais vacciner, les anticorps naturels de mon corps vont s’affaiblir

«Ce n’est pas du tout comment fonctionne un vaccin. Les formules de Pfizer et Moderna ne donnent pas de «partie du virus». Ce qui est transmis, c’est la recette, ou le message qu’on envoie dans le corps sur comment fabriquer sa protection face au virus. Ce code-là qui est envoyé est détruit rapidement par l’organisme. Il n’y a pas d’affaiblissement du système immunitaire. Dans notre quotidien, on est exposé à plein de virus, de bactéries. Notre système est habitué de réagir à plein de choses.
Là, c’est une toute petite portion [d’intrus] que notre système est habitué de gérer. Ça s’appelle des antigènes. Ce sont des molécules qui font réagir notre système immunitaire de défense contre les infections. Ça nous fait produire des anticorps et c’est loin d’affaiblir notre système.»

3) Pas besoin de vaccin, je suis en pleine santé

«Oui, les jeunes et ceux qui n’ont pas une santé vulnérable vont moins souvent se retrouver à l’hôpital, mais il y a quand même des risques associés au virus. La COVID, on ne connaît pas encore tous les effets que ça peut donner. On voit qu’il y a des gens qui ont le «COVID long», des séquelles à long terme. Ils perdent la capacité de goûter, de sentir. Il ne faut pas prendre ce risque-là. Il y a des conséquences importantes chez les jeunes aussi, ou ceux qui se considèrent comme «en santé». Ça diminue aussi les chances de le transmettre à une personne qu’on aime, qu’elle soit âgée ou non.»

4) Un vaccin créé en moins d’un an: pas très fiable !

«C’est au contraire une bonne nouvelle qu’il ait été produit rapidement. C’est à cause de tous les investissements qui ont été faits, des milliards de dollars à travers le monde. Toutes les étapes obligatoires pour créer les vaccins ont été suivies. Ça a commencé par des études chez les animaux, puis trois phases d’études chez les humains, dont la «phase 3». Cette phase inclut que des milliers de personnes reçoivent le vaccin.

Le tout a été suivi rigoureusement. Ça a juste été plus vite en raison des investissements majeurs et de l’urgence de la situation. Moi, je trouve que c’est une bonne nouvelle. Ça nous montre que pour d’autres vaccins et d’autres médicaments, on pourrait faire les choses beaucoup plus rapidement. Ça va peut être aider pour le futur. Avant, on parlait de délai de 10 à 15 ans. C’est un mélange d’argent, de bonne collaboration et de volonté qui a rendu le tout possible aujourd’hui.»

5) AstraZeneca est le plus dangereux des vaccins

«Pour ce qui est de la sécurité, actuellement, il y a un signal analysé*. Il y a eu des cas très rares de caillots sanguins observés chez les plus jeunes. On parle d’un cas par plus de 100 000 doses données. Ça semble excessivement rare. C’est regardé en Europe, à savoir si ces cas sont bel et bien reliés à la vaccination. C’est un lien possible, mais qui n’est pas confirmé. Aucun cas dans le genre n’est identifié au Canada (en date du 2 avril 2021). Au final, les avantages d’être vacciné dépassent largement les risques de ne pas l’être. Le danger le plus important pour l’instant, c’est de ne pas l’être. Une dizaine de personnes en meurt chaque jour, d’autres vont à l’hôpital.»

*Santé Canada a, par mesure de précaution, suspendu l’utilisation du vaccin AstraZeneca (Covishield) sur les personnes de 55 ans et moins. L’Agence européenne des médicaments (EMA) évalue présentement un lien entre certaines complications de santé et le vaccin d’AstraZeneca chez les personnes âgées de moins de 55 ans l’ayant reçu. L’Agence réitère que ce produit est sûr et efficace, mais la possibilité d’un lien entre le vaccin et des troubles de la coagulation et de thrombose veineuse cérébrale ne peut être totalement écartée pour l’instant (en date du 2 avril 2021)