Pénurie de main-d’oeuvre : les entreprises doivent innover pour s’en sortir

Par Johannie Gaudreault 1:00 PM - 14 septembre 2021
Temps de lecture :

Gilles Lamarre, directeur du développement des ressources humaines chez Boisaco, embauche des personnes immigrantes depuis trois ans. Photo : Archives

Ne faisant pas exception au reste du Québec, la Haute-Côte-Nord et ses entreprises sont fortement touchées par la pénurie de main-d’œuvre. Certains entrepreneurs se sont tournés vers l’immigration, d’autres cherchent encore des moyens de s’en sortir.

Réduction des heures d’ouverture, fermeture de salles à manger, diminution de services, voici des impacts directs du manque de main-d’œuvre sur le territoire. Les commerces, restaurants et services à la population n’ont d’autres choix que d’innover pour réussir à sauver les meubles.

Chez Boisaco, cette révélation est survenue il y a déjà plusieurs années. Il y a huit ans, le directeur du développement des ressources humaines, Gilles Lamarre, prenait part à de nombreuses réunions au sujet de la main-d’œuvre immigrante, les bénéfices de l’immigration, mais rien n’avançait.


« On ne faisait qu’en parler, mais il ne se passait jamais rien. Ça m’agaçait, alors on a décidé d’aller de l’avant nous-mêmes. On a commencé il y a trois ans avec un premier employé immigrant. Il s’est bien intégré et nous avons vu une opportunité d’obtenir de la belle main-d’œuvre », indique-t-il en entrevue au Journal Haute-Côte-Nord.

Par la suite, un DEP est mis sur pied afin de former des jeunes immigrants en opération d’équipements de production.

« Nous nous sommes rendus à Montréal pour rencontrer des travailleurs étrangers. On a présenté les réalités de la région et nous avons finalement trouvé 7-8 personnes intéressées », souligne M. Lamarre.

En date d’aujourd’hui, l’entreprise forestière embauche six personnes immigrantes. Mais, d’autres démarches sont enclenchées depuis février afin d’en accueillir 13 autres en provenance du Nicaragua. Elles disposeront d’un permis de travail fermé garantissant aux entrepreneurs qu’elles demeureront à leur emploi pendant au moins deux années consécutives.

« Nos nouvelles ressources devraient arriver d’ici la fin de l’année. Elles occuperont des postes de journaliers, mais il serait aussi possible d’en demander pour des postes plus spécialisés. Trois œuvreront chez Bersaco tandis que 10 seront embauchées chez Boisaco », précise le directeur du développement des ressources humaines.

Pour Gilles Lamarre, l’immigration est la voie à emprunter pour toutes les entreprises en manque de main-d’œuvre.

« Sans contredit, il s’agit d’une main-d’œuvre intéressante. Il faut arrêter de pleurer sur notre sort et aller de l’avant même si les démarches peuvent être fastidieuses », conseille-t-il aux autres entreprises de la région.

La patience est toutefois de mise. « Ils n’ont pas les mêmes valeurs, la même langue et ils sont un peu différents de nous, mais ils travaillent avec cœur. Acceptons-les et écoutons leurs besoins. Ils sont la clé de notre avenir », poursuit-il.

M. Lamarre suggère fortement aux entrepreneurs locaux d’utiliser les ressources à leur disposition telles que l’agente d’immigration et l’agente Place aux jeunes du Carrefour jeunesse-emploi de la Haute-Côte-Nord.

« Elles sont deux travailleuses acharnées pour les entreprises. Contactez-les et faites-vous accompagner », déclare-t-il.

L’entreprise Les Crabiers du Nord, située à Portneuf-sur-Mer, attend également l’arrivée de travailleurs étrangers, soit 14 Mexicains.

« C’est une des solutions au manque de main-d’œuvre. On est rendus là », souligne le contrôleur financier Patrice Jean lors de sa conférence sur le mentorat donnée au cours du congrès des Villages-relais à Forestville.

Solutions alternatives

À l’exception de la réduction des services et de l’immigration, quelles solutions peuvent être possibles pour les entreprises en manque de main-d’œuvre? Il s’agit d’une question à laquelle Eddy Tremblay, gestionnaire du dépanneur Halte 138 et de Autobus T.R de Portneuf-sur-Mer, a tenté de répondre.

En août, le jeune homme d’affaires s’est tourné vers les réseaux sociaux afin de trouver un employé pour combler son équipe au dépanneur. « J’offre 100 $ à celui qui me recommandera un employé », mentionnait sa publication Facebook.

Malgré les nombreux partages et commentaires qu’il a reçus, M. Tremblay n’a pas trouvé la perle rare de cette façon.

« J’ai réussi à me trouver quelqu’un, mais pas de cette manière. Ça n’a pas donné grand-chose », soutient-il.

Pour l’entrepreneur portneuvois, la population vieillissante est un défi qu’a à surmonter la région. « Il y a de plus en plus de gens à la retraite et de moins en moins de travailleurs actifs. J’ai dû combler moi-même les trous dans les horaires, je n’avais pas le choix », raconte Eddy Tremblay.

De plus, « les employés imposent souvent leurs conditions » comme ne pas travailler les soirs et les fins de semaine. « Je ne peux pas acquiescer à toutes leurs demandes. Ce n’est pas possible, alors je n’accepte pas leur candidature », ajoute M. Tremblay, qui est toujours à la recherche de conducteurs d’autobus.

Du côté du Boisé sur Mer, un réseau de résidences pour aînés nouvelle génération implanté aux Bergeronnes, aux Escoumins, à Baie-Comeau et à Pointe-Lebel, on offre même la formation aux nouveaux employés.

« Vous avez de l’expérience en tant que préposé aux bénéficiaires ou éducateur spécialisé? Apportez votre savoir-faire à notre organisation qui ne vise rien de moins que l’excellence et profitez d’une intégration rapide et d’un échelon salarial ajusté. Vous n’avez pas d’expérience? Aucun problème, vous serez formé sur le terrain à devenir l’un des meilleurs intervenants qui soit », publiait l’entreprise sur sa page Facebook le 8 septembre.

Statistiques

Malgré tous les efforts déployés par les propriétaires et dirigeants d’entreprise, la rareté de la main-d’œuvre est là pour rester.

Selon Statistiques Canada, le Québec a affiché l’augmentation la plus marquée du nombre de postes vacants au premier trimestre de cette année, soit de 18 500 ou 14,4 % par rapport à un an plus tôt.

La région de la Côte-Nord/Nord-du-Québec a été la plus affectée, avec une hausse de 6,1 %.

Partager cet article