La fièvre du bingo en déclin

Par Renaud Cyr 12:00 PM - 17 novembre 2022
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Le financement des télévisions communautaires passe souvent par les bingos, mais le nombre de joueurs ne cesse de diminuer. Photo courtoisie

Les bingos présentés sur les ondes des télévisions communautaires sont une activité très prisée par les amateurs d’un certain âge. Mais la relève est loin d’être assurée en raison de l’impopularité grandissante de la télé par câble dont la jeune clientèle s’est lassée. Cependant, la réglementation interdit aux télés communautaires de diffuser sur Internet, une alternative qui pourrait sauver l’avenir du bingo, tout en assurant des revenus qui fondent comme neige au soleil depuis quelques années.

Afin de rectifier le tir, une table de travail a été créée pour évaluer la possibilité de modifier la licence de bingo-média de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec (RACJ).

Les rencontres déjà amorcées se poursuivront durant la prochaine année avec le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), du Secrétariat du Bingo, de la RACJ et des détenteurs de licences de bingo de la province.

« La table de travail prend forme pour recueillir les besoins des détenteurs de licences de l’industrie du bingo », explique Joyce Tremblay, responsable des relations avec les médias à la RACJ.

« Différents organismes à but non lucratif (OBNL), dont les télévisions communautaires, ont exprimé une volonté afin que la législation actuelle soit revue afin que le déroulement des bingos à la RACJ autorise la diffusion sur Internet », poursuit-elle.

Nouveaux enjeux

Les télévisions communautaires doivent conséquemment faire face à des défis qui prennent de l’ampleur, comme le manque de nouveaux joueurs, le prix de transport grandissant des cartes, et l’absence de bénévoles pour assurer la tenue de l’événement.

Recettes qui diminuent

« La part que prend le bingo dans notre budget est de plus en plus petite. Quand je suis entrée en poste en 2008, les revenus de bingos nous rapportaient entre 10 000 et 12 000 $ brut », explique Lyna Fortin, directrice générale de TVR7, la télévision régionale de la Haute-Côte-Nord située aux Escoumins.

« Aujourd’hui, quand nous sommes capables d’aller chercher 4 000 $, c’est un bon bingo. Ce n’est plus un bon moyen de financement. Les jeunes n’ont plus la télévision par câble », laisse-t-elle tomber.

La RACJ exige quant à elle que les OBNL ne remettent pas plus que 75 % des profits de leurs bingos. Il devient de plus en plus laborieux pour les télévisions communautaires d’ajuster leurs prix en fonction de la participation des rares bénévoles qui participent à la tenue des événements télévisés.

« Chaque année nous perdons des joueurs, et nous devons constamment revoir le montant des prix. Dernièrement, nous avons dû enlever 600 $ car nous n’y arrivions plus », explique la directrice générale de la télévision régionale de la Péninsule de Chute-aux-Outardes, Sonia Paquet.

Nombre de joueurs en baisse

Selon une étude du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, les téléspectateurs de 50 ans et plus consacrent deux fois plus de temps à la télévision traditionnelle que toutes les autres catégories d’âge sondées.

Sur la Côte-Nord, comme partout ailleurs dans la province, ce sont en majorité les aînés qui jouent au bingo télévisé. La relève est pour le moment invisible sur les ondes de la télévision traditionnelle.

« C’est un gros défi dans les années à venir, car si le bassin de participants de ne renouvelle pas, nous devrons peut-être changer de jeu éventuellement », explique Patrick Delobel, directeur régional Côte-Nord chez Cogeco (NousTV).

« Il y a souvent des gens qui nous disent qu’ils ne sont pas abonnés à Cogeco, mais qu’ils aimeraient jouer à notre bingo. Ce n’est tout simplement pas possible », ajoute-t-il.

Bingo sur Internet : une fausse bonne idée?

L’élargissement de la licence du bingo-média pour une diffusion sur Internet est encore une idée en chantier. Cependant, une telle modification apporterait son lot de défis, relatifs à l’inégalité de la portée du web sur un territoire aussi grand que la Côte-Nord.

« En Haute-Côte-Nord, l’Internet n’est pas égal partout. Il y a des endroits où il n’y a aucun signal, en plus de délais normaux du système de télédiffusion de notre câblodistributeur », précise Lyna Fortin.

« Ça pourrait être un plus pour nos ventes de cartes. En revanche, il se peut que nous nous retrouvions avec des problèmes d’approvisionnement en cartes pour les gens de l’extérieur qui voudraient jouer », explique Sonia Paquet.

Si la table de travail dédiée à la réglementation du bingo-média présente un projet de développement pour Internet, elle devra s’assurer que les stations de télévision communautaires n’empiètent pas sur leurs territoires voisins.

« Il est impossible d’établir un échéancier précis pour l’instant, vu le stade embryonnaire du projet », déclare Joyce Tremblay. « Je pense que les rencontres se passent bien, et qu’il y a de la volonté de la part de tous les partis », ajoute-t-elle.