Kateri Champagne Jourdain racontée par sa mère

Par Alexandre Caputo 12:00 PM - 2 janvier 2023 Initiative de journalisme local
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Mme Lorraine Champagne a généreusement ouvert sa porte au Nord-Côtier.

Le chemin qui a mené la nouvelle ministre de l’Emploi de sa communauté natale jusqu’au Salon bleu n’aura pas été une promenade dans le parc. Discriminée tant par les Autochtones que les Allochtones, la députée de Duplessis a réussi à se frayer un chemin jusqu’aux plus hautes instances de la politique provinciale. Sa mère, Mme Lorraine Champagne, a gentiment ouvert sa porte au Nord-Côtier afin de nous brosser un portrait de sa chère fille et de son parcours.

En octobre dernier, Kateri Champagne Jourdain est devenue la première femme autochtone à être élue au Salon bleu, en plus d’avoir été nommée ministre de l’Emploi dans la même foulée.

Mme Champagne Jourdain est née à Sept-Îles d’un père innu et d’une mère allochtone, elle a grandi dans la communauté innue de Uashat mak Mani-utenam. Grandir comme enfant métis au sein de la communauté n’aura pas été de tout repos pour la caquiste.

« Je ne l’ai su que lorsque Kateri était adulte, mais elle m’a avoué que chaque jour était un combat pour elle », confie la dame. « Elle était trop blanche pour les Innus et trop Innue pour les blancs, elle ressentait toujours le besoin de se prouver », explique-t-elle.

Des commentaires péjoratifs du genre « ta mère est blanche », ou « tu parles même pas notre langue », la députée sortante de Duplessis en a entendus beaucoup.

Selon Mme Champagne, ce sont entre autres ces moments plus sombres qui auront forgé le caractère de sa fille.

« Elle avait confiance en elle et comprenait que les deux cultures avaient du bon, mais aussi des problèmes à régler », mentionne-t-elle. « Elle a décidé de devenir plus forte au lieu de s’écraser devant le négatif », se souvient fièrement la dame.

Une campagne électorale mère-fille

« C’est sûr que la politique est un milieu difficile, ce n’est pas le premier milieu où tu souhaites voir évoluer tes enfants ! », note la matriarche.

Mme Champagne décrit sa fille comme intelligente et raisonnée, c’est pourquoi elle a refusé plusieurs offres venant d’autres partis lors des élections précédentes, comme celle du Parti libéral du Québec, avant de se ranger avec la CAQ cette année.

« Kateri voulait attendre un peu, ses enfants étaient plus jeunes et les offres semblaient de dernière minute ou mal organisées », explique-t-elle.

Puis, le téléphone sonna, Mme Champagne Jourdain annonça à sa mère qu’elle représenterait le parti de M. Legault.

« Mon rôle de mère est de m’assurer que mes enfants puissent aller au bout de leurs rêves », dit Mme Champagne. « Donc, je me suis embarquée avec elle et on a fait la campagne ensemble ».

La matriarche confie avoir fait un peu d’anxiété lorsque le nom de sa fille circulait dans les discussions concernant la formation du bureau des ministres.

« Je me disais non, non, non, laissez-la faire sa place avant ! Mais Kateri est une femme de défi et de vision, elle a très bien accueilli ce titre », raconte-t-elle.

Pourquoi la CAQ ?

Selon Mme Champagne, sa fille s’est rangée du côté qui avait le plus de chances de pouvoir changer les choses.

« Ça prend le pouvoir pour changer les choses, Kateri savait que la CAQ avait de bonnes chances d’être encore au pouvoir », explique-t-elle. « Le fait que le parti soit une coalition apporte aussi un côté plus libre penseur aux députés, contrairement à d’autres partis où les lignes directrices sont très claires et infranchissables », dit-elle.

Bien que Mme Champagne fût impressionnée par la prestance et la confiance de Kateri lors de la campagne, elle avoue que son rôle maternel s’est avéré important.

« Même lorsque je n’étais pas avec elle, elle m’appelait pour se vider le cœur, surtout concernant les attaques personnelles des autres politiciens qu’elle recevait », conte-t-elle.

La mère rappelait simplement à sa fille que c’est le chemin qu’elle a choisi, que ça ne sera pas toujours rose et que les couteaux peuvent voler bas dans ce milieu.

Du McDonald’s au Parlement

La nouvelle ministre de l’Emploi a avoué à sa mère s’être préparée toute sa vie pour ce nouveau rôle politique.

« Pas nécessairement pour ce poste précis, mais elle savait qu’elle voulait une vie publique. Elle faisait très attention à ses actions, même lorsqu’elle était jeune », note Mme Champagne.

Avant de s’embarquer dans d’ambitieux projets, Mme Champagne-Jourdain a fait ses premiers pas sur le marché du travail au McDonald’s et au Tim Hortons, où elle a compris qu’elle aspirait à plus.

La confiance et la prestance en public ont été inculquées rapidement à la députée. Toute jeune, elle était inscrite à l’école de musique, puis elle a fait partie de l’Ensemble folklorique Tam ti delam.

Secondaire 5 aux adultes 

Non, la députée de Duplessis n’a pas échoué la dernière année de ses études secondaires par manque de compétences. Elle ne s’est simplement pas présentée aux examens, chose que sa mère n’a su que plus tard. 

« À 12 ans, elle prenait déjà ses rendez-vous toute seule. Elle était responsable, mais vous savez, à 16 ans, comment on peut être insouciant », illustre-t-elle.   

Comme quoi personne n’est parfait. 

« Kateri pensait qu’après le bal tout était fini, elle disait avoir « oublié » qu’il lui restait ses examens », se souvient sa mère en ricanant. « Elle est donc allée à Montréal pour finir ses études aux adultes ». 

Par la suite, Mme Champagne Jourdain s’est dirigée à Trois-Rivières, où elle a complété son baccalauréat en communications. Elle revenait à Uashat en été, où elle travaillait au conseil de bande. Elle a d’ailleurs été très impliquée dans la mise sur pied du secteur des Communications.  

« Chasseurs modernes »

La caquiste était prédestinée à avoir la fibre entrepreneuriale, puisque son père, feu M. Walter Jourdain, est l’homme derrière le centre commercial des Galeries Montagnaises de Uashat.

« Walter aimait dire qu’il était un chasseur moderne », note Mme Champagne. « Son gibier était les opportunités d’affaires, les emplois et l’argent qu’il pouvait apporter à la communauté », explique-t-elle.

La boucle aura été bouclée pour le défunt paternel de Mme Champagne Jourdain, lorsqu’elle reprit les rênes des Galeries Montagnaises, quelques mois avant sa mort, en 2017.

« Il était très fier de sa fille », dit Mme Champagne, avec émotion.

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