Une leçon d’humanité signée Gaston Déry

Par Renaud Cyr 11:45 AM - 15 février 2023
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Gaston Déry et une photographie de son père Stanislas Déry, lieutenant-commandant du HMCS St-Thomas qui coula le sous-marin allemand U-877 dans les eaux du nord de l’Atlantique le 27 décembre 1944.

La direction du groupe Boisaco a fait venir Gaston Déry, un conférencier reconnu pour son implication citoyenne, afin de présenter la conférence L’Héritage d’un père à Sacré-Cœur le 9 février en soirée. Une quarantaine de personnes étaient réunies à la salle municipale pour entendre l’histoire de son père Stanislas Déry, un épisode touchant empreint d’humanité et d’entraide.

Steeve St-Gelais, président de Boisaco, a débuté la soirée en prenant la parole devant une foule entièrement à l’écoute.

« Nous avons eu l’occasion d’entendre la présentation de Gaston Déry lorsque nous étions à Alma pour la déposition d’un mémoire durant les commissions sur le caribou », se remémore-t-il.

« Moi et le directeur-général André Gilbert avons eu une révélation. Nous nous sommes dit que nous devions lui parler tellement ce qu’il disait était intéressant », révèle-t-il avec excitation.

Steeve St-Gelais, président de Boisaco, a prononcé un discours enlevant pour présenter la conférence.

C’est en établissement le contact avec Gaston Déry que la direction de Boisaco prend connaissance de ses activités comme conférencier et de son implication pour le développement durable auprès des entreprises.

« Sachant que Gaston Déry avait déjà présenté quelques conférences sur l’histoire de son père qui promeut la paix dans le monde, nous voulions poser un geste qui allait en ce sens-là en l’invitant ici », souligne-t-il.

« La conférence s’appelle L’Héritage d’un père. Et pour nous, l’héritage de Boisaco est extraordinaire : au-delà de 1 100 personnes qui participent à une propriété collective, qui a pour but de favoriser la vitalité socio-économique pas seulement de Sacré-Cœur, mais de toute la région », ajoute le président.

Rencontre en mer

La conférence de Gaston Déry met en lumière l’histoire abracadabrante d’une rencontre fortuite entre le sous-marin allemand U-877 et le navire canadien St-Thomas, dont son père Stanislas Déry était le lieutenant-commandant, dans les eaux atlantiques le 27 décembre 1944.

Le sous-marin allemand U-877 quitte le port de Kiel dans l’actuelle Allemagne en novembre 1944 afin de sillonner l’océan Atlantique et couler des bateaux de ravitaillements alliés envoyés en Europe.

Repéré par l’équipage de la corvette St-Thomas, il est rapidement mis hors d’état par des grenades sous-marines et remonte brièvement à la surface avant de couler pour de bon.

Les 55 sous-mariniers allemands sont alors remontés à la surface de l’eau. « Mon père m’a dit qu’ils apparaissaient un après l’autre, comme des bouchons de liège qui flottent dans l’eau », raconte Gaston Déry.

La loi martiale de l’époque prévoyait que les naufragés ennemis soient laissés en mer, et un soldat canadien fait même feu vers les sous-mariniers allemands lors de leur apparition. Cependant, Stanislas Déry surprend tout l’équipage en ordonnant la rescousse des soldats ennemis.

« C’était la loi de la guerre, ou la loi de la mer. Et mon père s’est mis à la place de ces marins allemands, et s’est dit qu’ils auraient fait la même chose si les rôles avaient été inversés », illustre le conférencier.

En plus d’être conférencier, Gaston Déry est conseiller stratégique et formateur en développement durable, responsabilité sociale et mise en valeur de la biodiversité. C’est par sa rencontre que Boisaco a choisi de se doter d’une politique de développement durable en appliquant la grille d’analyse de développement durable en novembre 2022.

Amitié en temps de guerre

Peter Heisig, le commandant en second du feu U-877, fut le dernier à monter à bord de la corvette canadienne.

Les deux hommes se lient d’amitié et partagent même la cabine normalement allouée au lieutenant-commandant. Ils se découvrent même un amour commun pour la famille, la nature, et le compositeur Beethoven.

« Peter Heisig était un grand homme, qui faisait son devoir dans l’armée allemande. Il n’était pas en accord avec les doctrines mises de l’avant par les dirigeants de l’Allemagne Nazie, et a même témoigné au procès de Nuremberg », avance Gaston Déry.

Les 55 sous-mariniers allemands sont reconduits en Grande-Bretagne dans un camp de prisonniers, d’où ils sortiront après la guerre.

« Après la guerre, Peter Heisig retourna en Allemagne avec sa famille où il fut obstétricien-gynécologue. Des contacts amicaux existent entre les familles Déry et Heisig jusqu’à aujourd’hui, célébrés chaque année le 27 décembre », fait remarquer le fils du lieutenant-commandant du St-Thomas.

Amitié en temps de paix

« Mon père m’a dit qu’une nuit il s’est couché en entendant la respiration de Peter Heisig dans le lit voisin. Il a réalisé qu’il était ravi d’avoir pu sauvegarder la vie de 55 personnes », poursuit Gaston Déry.

Cette rencontre a permis à plusieurs familles allemandes de perdurer dans le temps. Le conférencier a même présenté un témoignage enregistré d’un descendant de rescapé vivant en Allemagne, remerciant spécifiquement l’assistance de « Sacré-Cœur au Québec, venue entendre cette histoire racontée par Gaston Déry.

« Ce sont des fondements d’humanité. Donner au suivant, c’est-ce qu’il faut faire dans la vie. Voilà l’héritage d’un père, l’héritage de mon père », a conclu Gaston Déry.

Les valeurs que mon père m’a transmises, je les ai retrouvées ici à Sacré-Cœur, avec Boisaco », a-t-il fait valoir. On peut s’attendre à ce que cette première visite de Gaston Déry à Sacré-Cœur ne soit pas la dernière.

Comme l’a lancé à la blague le président Steeve St-Gelais : « pour nous, Gaston fait partie de la famille ».

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