Le caribou, à la fois gagnant et perdant

Par Émélie Bernier 12:00 PM - 5 juillet 2023 Initiative de journalisme local
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« Le caribou a besoin de vieilles forêts. » Martin-Hugues St-LaurentPhoto Jean-Simon Bégin

Certaines espèces, dont les grands mammifères, connaîtront même une hausse d’abondance dans les années suivant un épisode de feu. 

« Toutes les espèces herbivores vont bénéficier de cette manne alimentaire importante et améliorer leur condition physique, leur survie individuelle, leur indice reproducteur, la survie de leurs jeunes et donc augmenter en abondance », explique Martin-Hugues St-Laurent. 

Bonne nouvelle pour les chasseurs, « en termes de qualité d’habitat, pour l’orignal et le cerf de Virginie, ça ne peut qu’améliorer ce dont ils ont besoin. »

Le caribou ne sera pas l’espèce la plus avantagée cependant. « L’enjeu, c’est que ce n’est pas toutes les espèces qui ont la même capacité reproductrice, donc une espèce va augmenter plus rapidement qu’une autre », explique-t-il.

Les cerfs de Virginie et les orignaux, par exemple, produiront plus d’un faon par année, soit 1 à 3 dans le cas du cerf et 1 à 2 dans le cas de l’orignal.

« Le caribou, de son côté, n’a pas cette capacité. Il produit de 0 à 1 jeune par an. Le problème, c’est qu’il devra partager les ressources alimentaires et les habitats utilisés avec d’autres animaux (cerfs et orignaux) qui vont augmenter plus rapidement en abondance et qui entraîneront avec eux une hausse du nombre de prédateurs qui eux, finalement, pourraient appliquer une pression de prédation plus grande sur le caribou », résume le chercheur.

Fort heureusement, les feux de 2023 semblent éviter le cœur des massifs où évoluent les principales hardes de caribous de la province.  

« Dans son comportement, le caribou s’isole spatialement de l’orignal et du cerf parce que ces animaux-là vont monopoliser les jeunes habitats nourriciers. Si le caribou reste dans les secteurs coupés, il cohabitera avec les compétiteurs (orignal et cerf), mais également avec leurs prédateurs comme le loup, le coyote et l’ours. C’est la même chose qu’avec la coupe forestière. On est dans un cas de figure où, que ce soit les coupes ou les feux, on va rajeunir la forêt et ça va déstabiliser l’équilibre entre certaines espèces associées aux vieilles forêts, comme le caribou, et les espèces associées aux jeunes forêts, comme le cerf et l’orignal. »

Encore le caribou

Le caribou, rappelle le spécialiste, peut vivre avec les feux. « Mais il a besoin de vieilles forêts et, au Québec, la proportion de vieilles forêts est tellement faible que la pression additionnelle exercée par les feux peut avoir un grand impact sur le caribou », indique-t-il. Il utilise une image forte. « Prenons l’exemple de quelqu’un qui a un cancer et qui attrape la COVID. Cette personne pourrait mourir de la COVID parce qu’elle est trop affaiblie par le cancer. Voyons le caribou comme étant une espèce qu’on a mise à mal. On a arraché le toit et les murs de sa maison et là, subitement, on est en train, avec le feu, de détruire une partie du solage… », conclut Martin-Hugues St-Laurent.  

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