Pensionnat de Maliotenam : une enquête menée, pas de fouilles recommandées

Par Sylvie Ambroise ǀ Initiative de journalisme local 5:45 AM - 6 septembre 2023
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On retrouve des souliers accrochés sur les clôtures du site du Festival Innu Nikamu en mémoire pour tous les enfants qui ont été retrouvés, anciennement site de l’ancien pensionnat de Maliotenam. Photo Sylvie Ambroise

Innu Takuaikan Uashat mak Mani-utenam a commandé une consultation auprès des membres de plusieurs communautés innues de la Côte-Nord ayant fréquenté l’ancien pensionnat de Maliotenam. Le rapport d’une quarantaine de pages, dont Le Nord-Côtier a obtenu copie, recommande de ne pas procéder à des fouilles archéologiques. 

La découverte par Géoradar des dépouilles de 215 enfants à Kamloops, en Colombie-Britannique, sur les terres d’un ancien pensionnat a choqué et ébranlé plusieurs personnes. C’est cette découverte faite en 2021 qui a mené à des questionnements au sein de la communauté de Uashat mak Mani-utenam. Cette dernière a commandé une enquête, pour éclaircir les doutes et allégations d’anciens élèves du Pensionnat de Maliotenam, à l’aide de faits. 

Une équipe de travail de six personnes a mené les recherches. Elle était notamment composée de Jean-Claude Therrien Pinette, mandataire de la recherche pour ITUM et de la psychologue Danielle Descent, superviseure de recherche et rédaction. Le groupe de travail a également pu compter sur des collaborateurs dans chacune des communautés concernées. 

Sondage 

C’est sur un sondage mené avec un échantillonnage représentatif que les chercheurs basent leurs recommandations compilées dans un rapport datant d’août 2022. Ils n’ont pas pu dresser la liste de tous les pensionnaires. 

« Il faut dire que la liste originale de tous les pensionnaires entre 1952 et 1971 n’existe pas, ou si elle existe, il ne nous a pas été possible de la retracer », précisent-ils, dans le rapport. 

Après plusieurs recherches, c’est au Centre National pour la Vérité et Réconciliation que les personnes chargées de l’enquête ont pu « obtenir des listes de noms inscrits aux rapports trimestriels servant au Pensionnat à obtenir des Affaires Indiennes le financement pour opérer l’institution », explique-t-on. 

Au total 467 pensionnaires étaient inscrits. Ils étaient originaires des communautés de Pessamit, Uashat mak Mani-utenam, Ekuanitshit, Nutashkuan, Unamen Shipu, Matimekush/Lac-John et de Pakua Shipu. De là, 151 répondants ont été retracés (62 hommes et 89 femmes). 

Trois morts 

Les objectifs de cette recherche étaient de « déterminer s’il y a eu mort d’élèves et déterminer s’il y a eu enterrements et/ou disparitions ». 

À la question Avez-vous été témoin ou entendu parler qu’un élève soit mort au Pensionnat de Maliotenam, 128 ont répondu non et 23 ont répondu oui. 

« Il s’agit des mêmes 3 noms qui reviennent chez l’ensemble des 23 répondants ayant répondu oui. Cependant, après enquête et plusieurs validations auprès de personnes pouvant corroborer les faits, il n’appert qu’aucun d’entre eux n’est mort dans l’édifice où les lieux entourant le pensionnat », affirme-t-on. 

Le rapport mentionne que la mort de deux élèves est signalée. L’une est originaire de Ekuanitshit. Elle serait effectivement morte en avril 1956, durant sa fréquentation du Pensionnat. Elle avait été transportée à l’Hôpital du 3 Miles, près de Sept-Îles. 

Elle serait décédée d’une maladie des reins, selon le codex du Pensionnat, et il n’y a pas de certificat de décès dans les annexes. Elle était âgée de 12 ans. 

La deuxième mort est celle d’un garçon de 25 ans, décédé en 1975. 

« Il souffrait d’épilepsie et a eu un malaise lors d’une joute », explique-t-on. « Il a été transporté à l’hôpital de Québec, où il est décédé (…) les circonstances de sa mort ne nous sont pas connues. » 

Une troisième mort a été soulevée, celle d’un jeune bambin de 4 ans, qui aurait été happé par une machinerie lourde servant à déneiger la voie.

« Selon le répondant de Nutashkuan, ce fait se serait produit devant le Pensionnat et il serait resté marqué par les images de l’accident », rapporte-t-on.

Cependant, l’enfant n’était pas inscrit au pensionnat. La validation auprès de la famille et le certificat de décès ont démontré qu’il « s’agissait d’un accident mortel survenu dans la communauté et non sur le site du Pensionnat ». 

Les chefs en réflexion

Les résultats du rapport ne recommandent pas de fouilles. 

« Les résultats du sondage n’appuient pas la pertinence d’une fouille archéologique pour trouver des tombes ou les dépouilles d’enfants ayant fréquenté le Pensionnat Indien de Notre-Dame-de-Sept-Îles situé à Mani-utenam », écrit-on.  

Si une fouille devait avoir lieu, « elle devra s’appuyer sur des faits nouveaux ou d’autres considérations », peut-on lire. 

C’est maintenant aux chefs de la Nation Innue de décider si fouilles il y aura, ou non, sur le site de l’ancien Pensionnat de Mani-utenam. Le rapport a été remis en août 2022. Les chefs sont toujours en réflexion.

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