Ian Lafrenière veut «réfléchir à la suite des choses» pour la sécurisation culturelle

Par Ugo Giguère 9:15 AM - 18 octobre 2023 La Presse Canadienne
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Le ministre Ian Lafrenière. Photo : Jacques Boissinot, La Presse Canadienne

Après avoir entendu les sévères critiques formulées par plusieurs intervenants autochtones, le ministre Ian Lafrenière dit maintenant vouloir prendre «le temps de réfléchir à la suite des choses» avant d’aller plus loin avec son projet de loi sur la sécurisation culturelle dans le réseau de la santé.

Plus d’un mois après avoir franchi l’étape des consultations particulières, le projet de Loi instaurant l’approche de sécurisation culturelle au sein du réseau de la santé et des services sociaux n’est toujours pas revenu au menu de la Commission des institutions de l’Assemblée nationale du Québec.

En réponse aux questions de La Presse Canadienne, le cabinet du ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit n’a pas précisé à quel moment les travaux de la commission sur le projet de loi 32 devraient reprendre.

Pour le moment, le ministre dit analyser les mémoires reçus. En deux jours de consultations, 14 personnes et organismes ont été entendus. De plus, sept organisations ont soumis des mémoires sans avoir été invitées à témoigner devant les parlementaires.

Ian Lafrenière dit avoir «bien entendu les préoccupations» des différents intervenants. Les critiques portaient notamment sur le refus de reconnaître le racisme systémique subi par les Autochtones et d’adopter le Principe de Joyce élaboré par la communauté atikamekw dans la foulée de la mort tragique de Joyce Echaquan à l’Hôpital de Joliette en septembre 2020.

Plusieurs témoins avaient dénoncé une approche «paternaliste», voire «colonialiste», exempte de véritable coconstruction avec les Premières Nations et les Inuit. Les appels au retrait, au report ou à la réécriture du projet de loi ont été nombreux.

Un mois plus tard, le ministre Lafrenière soutient qu’il faut «mieux travailler ensemble», ce qui explique en partie sa volonté de prendre le temps nécessaire avant d’aller plus loin.

Se résumant à quatre pages, le projet de loi 32 ne compte que cinq articles. Très peu contraignant, il demande aux établissements de santé d’adapter leur offre de services «lorsque possible» en procédant par exemple à l’embauche de personnel autochtone, en offrant des ressources d’accompagnement, en offrant des formations à leur personnel ou par «la prise en compte des réalités propres aux femmes et aux filles autochtones».

Des voix autochtones y voient une nouvelle tentative de faire porter le fardeau sur les épaules des individus sans procéder à de réelles transformations systémiques.

Urgence d’agir

Malgré les appels à reculer et son propre désir de prendre le temps, le ministre répète qu’il y a tout de même «urgence d’agir» dans ce dossier. Ce dernier rappelle que légiférer en matière de sécurisation culturelle fait partie des recommandations du rapport de la Commission Viens.

L’ex-juge Jacques Viens, qui a présidé la «Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec: écoute, réconciliation et progrès», a aussi profité des auditions publiques pour déclarer qu’il est «impossible de nier la discrimination systémique dont sont victimes les Premières Nations et les Inuit».

Il a mis en garde le ministre que sans cette reconnaissance, il lui sera très difficile d’avancer «malgré toute (sa) bonne volonté et (ses) efforts louables».

Au début du mois, le Protecteur du citoyen a renchéri sur cet enjeu en présentant un rapport peu élogieux pour le gouvernement de la Coalition avenir Québec. Il révélait qu’à peine 11 des 142 appels à l’action de la Commission Viens avaient été pleinement réalisés.

Marc-André Dowd a alors affirmé que «la discrimination systémique à l’égard des membres des Premières Nations et des Inuit perdure» au Québec. Il a dit juger «impératif que l’État tout comme la société y mettent fin».

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