À quelques jours de la fête d’Halloween, pendant que les enfants rêvent à leur récolte de friandises, l’industrie du vapotage doit se préparer à faire le deuil de ses boutiques aux allures de magasins de bonbons.
En date du 31 octobre, il sera interdit au Québec de vendre des produits de vapotage dont l’arôme n’est pas celui du tabac. Il sera aussi interdit de rendre les produits de vapotage attrayants pour les jeunes.
Comme l’avaient annoncé le ministre de la Santé, Christian Dubé, et la ministre responsable du Sport, du Loisir et du Plein air, Isabelle Charest, en avril dernier, c’est cette semaine que vont commencer à s’appliquer les nouvelles règles enchâssées dans la Loi concernant la lutte contre le tabagisme.
En plus d’interdire les arômes et les esthétiques attrayantes, on vient également limiter la quantité de nicotine à 20 milligrammes par millilitre, puis restreindre le volume des réservoirs et des contenants de recharge.
Ces mesures avaient été recommandées par un groupe spécial chargé de se pencher sur le phénomène grandissant du vapotage chez les jeunes. Plusieurs experts de la santé ont participé aux travaux sur cet enjeu décrit comme un problème de santé publique.
Au cabinet du ministre Christian Dubé, on rappelle que la prévention est l’une des solutions pour réduire la pression sur le réseau de santé. On dit agir dans le but de «réduire les effets néfastes et préoccupants du vapotage dans la population». On s’engage à «surveiller de près les effets que ça aura au cours des prochains mois», principalement pour éviter que les jeunes développent des dépendances.
De plus, on prévient que des visites d’inspections seront menées dès les premiers jours de l’entrée en vigueur des nouvelles règles.
Dans l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves, qui remonte à 2019, on apprenait que 85 % des élèves du secondaire qui avaient utilisé un produit de vapotage au cours des 30 jours précédents avaient consommé un produit aromatisé aux fruits. De plus, 44 % des jeunes avaient consommé des produits aromatisés à la menthe ou au menthol.
Pour les divers organismes engagés dans la lutte contre le tabagisme et le vapotage, principalement auprès des adolescents, la date de 31 octobre marque un moment important. À la Société canadienne du cancer, le gestionnaire de l’équipe de la défense de l’intérêt public, David Raynaud, n’hésite pas à parler d’«une grande victoire pour la santé (des) jeunes».
«Ça lance un message fort à la population, puis aux adolescents, renchérit la directrice générale du Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), Annie Papageorgiou. Ça dit que le vapotage n’est pas un outil qui est bon pour la santé et puis ça nous permet de rappeler les risques du vapotage.»
À ce sujet, le Dr Nicholas Chadi insiste sur le fait que «tous les produits de vapotage posent un risque pour la santé des adolescents». Il souligne que ceux-ci «contiennent habituellement de la nicotine», ce qui favorise la création d’une dépendance. De plus, comme le cerveau se trouve à un moment crucial de son développement, il est plus vulnérable aux dépendances et à l’abus de substances. Des effets auraient aussi été observés sur la santé mentale des jeunes. On parle entre autres de dépression et d’anxiété.
En outre, les produits de vapotage libèrent des aérosols pouvant contenir des produits toxiques, dont des métaux lourds, mettant à risque la santé pulmonaire, note le pédiatre et chercheur spécialisé en médecine de l’adolescence et en toxicomanie.
Pour toutes ces raisons, il était urgent d’agir, aux yeux du député libéral de Marquette et porte-parole de l’opposition officielle en matière de saines habitudes de vie, Enrico Ciccone. «On a une responsabilité, en tant que législateur, de protéger nos jeunes à la pleine mesure. Quand les spécialistes nous disent que c’est la façon de faire et qu’il faut l’adopter, il faut suivre la science», a-t-il commenté.
Il demeure toutefois lucide sur l’importance de demeurer vigilant afin d’observer «si l’on obtient l’effet escompté ou s’il faudra s’ajuster».
Cessation tabagique
Du côté de l’industrie du vapotage, derrière laquelle se cache l’industrie du tabac, on défend la pertinence du produit en le dépeignant comme un outil de cessation tabagique. Or, David Raynaud rappelle que les chiffres montrent un tout autre portrait.
«On voit que la majorité des consommateurs de produits de vapotage sont des gens, notamment des jeunes, qui n’ont jamais fumé une cigarette de leur vie. On voit même certains fumeurs qui décident de vapoter et qui font du double usage, donc ils n’arrêtent pas de fumer et ils s’exposent en fait à deux types de produits différents qui ont des conséquences sur la santé», explique le porte-parole de la Société canadienne du cancer.
«L’approche de réduction des méfaits n’est pas là», tranche-t-il. À son avis, si l’industrie veut réellement en faire un outil de cessation tabagique, elle n’a qu’à faire homologuer son produit auprès de Santé Canada, qui pourra ensuite en encadrer l’usage.
Les principaux acteurs de la lutte au tabagisme et au vapotage interrogés s’entendent d’ailleurs tous pour dire que le combat n’est pas terminé. D’abord, il faudra apporter du soutien aux jeunes devenus dépendants qui voudront abandonner le vapotage, mentionne Annie Papageorgiou.
Des campagnes d’information et de sensibilisation seront également mises de l’avant. Puis, comme elle a toujours su le faire, l’industrie pourrait bien réserver de mauvaises surprises et trouver un nouveau moyen de se réinventer pour cibler la prochaine génération.
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