Feux de forêt 2023 : les cicatrices d’un été explosif

Par Emy-Jane Déry 5:00 AM - 10 avril 2024
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Photo Audrey Marcoux, SOPFEU

L’été 2023 a été l’hôte d’un récit « explosif » au Québec, une année de tous les records pour la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU), qui a laissé des cicatrices dans le paysage. Au nord de Sept-Îles, c’est pratiquement l’équivalent de l’île de Montréal qui a été brûlé. 

Au total, 35 000 hectares ont brûlé l’été dernier au nord de Sept-Îles. La saison des feux de forêt s’est soldée par le « récit d’un été explosif », résume la SOPFEU. 

« L’année 2023, c’est une anomalie la plus totale. Une série de records de trucs jamais vus dans l’histoire de la SOPFEU, ou du moins, dans le dernier siècle, depuis qu’on ramasse des statistiques », a dit Karine Pelletier, porte-parole de la SOPFEU. 

C’est Sept-Îles qui a ouvert le bal. Les feux 172 et 215 avaient de quoi impressionner, lorsqu’à un certain moment, on ne comptait plus que quelques kilomètres entre les flammes et la municipalité. 

« C’était le premier grand feu de la saison, près d’une communauté. Une municipalité avec un hôpital », rappelle Mme Pelletier. « Il y avait des enjeux de sécurité civile qui étaient sérieux. » 

Déjà, une cinquantaine de feux de forêt étaient activité à ce moment au Québec. C’était seulement le début de ce qui allait être une saison de 4,5 millions d’hectares brûlés par 711 feux, mais malgré tout, les avions-citernes de la SOPFEU étaient déjà dispersés en fonction des priorités. 

Le 1er juin, la situation a pris une tournure complètement apocalyptique dans la province, avec la « ligne de foudre ». En 24 heures, il y a eu 3 000 coups de foudre sur le territoire. Et contrairement à d’habitude, cette foudre ne fût pas accompagnée de pluie. Le terrain sur lequel elle frappait, lui, était extrêmement sec. 

« C’est comme si on envoyait des étincelles sur un baril de poudre », a décrit Mme Pelletier. « Le pire cauchemar est arrivé. »

En une journée seulement, 191 feux se sont allumés. 

« La carte des alertes ressemblait à un arbre de Noël », a-t-elle dit. 

Le lendemain, 2 juin, 5 000 personnes étaient évacuées à Sept-Îles et Mani-utenam. On craint le pire, soit que les deux feux en activité se rejoignent et se transforment en un monstre. L’Hôpital de Sept-Îles entame une opération d’envergure et évacue ses patients. 

Après des semaines en alerte et sous un ciel parfois jaune couvert d’une immense fumée, la tension finira finalement par baisser. L’armée et des pompiers de partout sont venus en renfort. 

À l’attaque du feu 215 à Sept-Îles. Photo Lucas Garceau, SOPFEU

Prêt, pas prêt, j’y vais !

Dans le dernier budget, Québec a bonifié de 29 M$ sur cinq ans les sommes accordées à la SOPFEU. L’organisation peut faire plus de prévention, s’est dotée de plus d’infrastructures mobiles pour aller combattre sur place les plus grands incendies. Elle pourra compter sur davantage de main-d’œuvre, autant au niveau des pompiers que du personnel d’encadrement. 

Il faudra quand même rester aux aguets, parce que même avec une force de frappe augmentée, une saison comme celle de 2023 ne serait pas de tout repos. 

« C’était tellement extrême, que sûrement qu’on finirait par arriver à un certain débordement aussi, mais moins rapidement c’est sûr et ce serait sans doute moins épuisant », a dit Karine Pelletier. 

D’ailleurs, il y a quelques semaines, la SOPFEU commençait à anticiper que 2024 allait ressembler à l’été dernier. 

« On trouvait ça sec pas mal. Il n’y a pas eu un gros couvercle de neige, donc les conditions étaient là pour avoir une potentielle saison comme l’an dernier », a expliqué la porte-parole.  

Heureusement, la pluie et de la neige se sont amenées entre temps. Cependant, il n’y a pas de devin à la SOPFEU. 

« On ne peut pas savoir ce qui s’en vient moins de deux semaines à l’avance. On ne prévoyait pas du tout ce qui s’est passé l’an dernier, au début de la saison. » 

Les équipes saisonnières seront tout de même en poste deux semaines à l’avance et prêtent à intervenir. Si le printemps est pluvieux, il permettra de venir compenser pour le peu de précipitation reçu cet hiver. 

« Et empêcher qu’on soit en route vers l’apocalypse », a conclu Mme Pelletier. 

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