DOSSIER | 20 postes en péril chez Hydro-Québec

Par Anne-Sophie Paquet-T. 5:55 AM - 7 mai 2024
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Vingt emplois du Centre de téléconduite d’Hydro-Québec de Baie-Comeau seraient menacés. Photo Anne-Sophie Paquet-T

En 2009, Baie-Comeau a dû dire au revoir aux répartiteurs de son centre de téléconduite du boulevard Comeau. En 2019, un projet de centralisation à Varennes et Beauport a été annoncé. Aujourd’hui, ce même projet n’est pas encore concrétisé, mais ce n’est qu’une question de temps, selon le Syndicat des employés de métiers d’Hydro-Québec (SEMHQ). 

L’inquiétude règne pour 20 employés du Centre de téléconduite de Baie-Comeau, affirme le SEMHQ.

Opérateurs, gestionnaires, électriciens d’entretien, mécaniciens de bâtiment, ingénieurs de réseaux et techniciens d’exploitation sont actuellement sur la sellette.  

Les compétences de ces travailleurs ne seraient plus nécessaires sur la Côte-Nord puisque deux nouveaux centres de traitement informatique seront situés à Varennes principalement ainsi qu’à Beauport.

L’objectif de ce projet de modernisation est de favoriser les technologies pour l’exploitation du réseau d’Hydro-Québec. Un véritable échec pour les Nord-Côtiers, croit le SEMHQ.

Le stress se fait ressentir, aux dires du président régional du syndicat des employés de métier d’Hydro-Québec, Billy Leonard.

« Le centre de téléconduite à Baie-Comeau est comme un cheminement de carrière en ce qui concerne l’exploitation », explique-t-il lors d’une entrevue accordée au journal Le Manic, accompagné du président provincial du SEMHQ, Frédéric Savard.

Les employés qui réussissent à travailler dans ce type de centre ont plus de responsabilités et ont développé des compétences non négligeables. C’est à cet endroit que les employés en exploitation d’énergie contrôlent l’électricité de la province. Le centre de Baie-Comeau transporte à lui seul 33 % de l’énergie.

Un choix pas de choix 

Les employés touchés par ce projet de centralisation doivent prendre une décision. Ils peuvent rester à Baie-Comeau, ce qui signifie retourner à un ancien métier au bas de l’échelle à l’intérieur de la société d’État, incluant une diminution de salaire. 

La deuxième option qui s’offre à eux est de déménager à Varennes ou Beauport où la centralisation est prévue. 

« Au-delà d’être capable de se retrouver un emploi chez Hydro-Québec, la question que les membres se posent est : est-ce que je vais être heureux au même titre que je l’étais avant si je change d’emploi ? », confie M. Leonard. 

« Il y a beaucoup de stress dans cette décision-là », ajoute M. Savard. 

2,3 M$ de moins dans la Manicouagan 

La masse salariale de ces 20 emplois représente 2 302 000 $, selon M. Savard ajoutant que c’est évidemment sans compter les familles de ces employés touchées par cette situation.

« C’est quand même 2 300 000 $ qui ne seront plus dans les poches de Baie-Comeau », évoque M. Leonard.

La fiabilité du réseau compromise 

Parmi les sept centres de téléconduite de la province, Baie-Comeau est celui qui transite le plus de production incluant l’énergie venant du Labrador (Churchill Falls).

La centralisation pourrait « mettre un délai dans le rétablissement ou dans la production puisqu’il y aura plus d’intervenants pour se rendre aux manœuvres faites par l’opérateur », résume Billy Leonard.

Frédéric Savard compare ce projet à la centralisation des appels au 911. « C’est la même affaire », souligne-t-il. 

Le temps passé à tenter de trouver l’urgence sans adresse civique pour un répartiteur aux appels 911 peut être long pour une personne qui ne connaît pas le territoire.

Selon lui, ce même manque de connaissance géographique de la région sera une faiblesse monumentale pour le rétablissement du réseau lors de situation de panne électrique.   

Une centralisation à nos portes  

M. Savard précise que 500 000 000 $ ont déjà été investis dans ce projet de centralisation par Hydro-Québec et qu’aujourd’hui, la construction a débuté du côté de Varennes et Beauport.

Il mentionne que « si à l’heure actuelle les sept centres de téléconduite, soit ceux de Baie-Comeau, Chicoutimi, Rouyn-Noranda, Québec, Trois-Rivières, Montréal et Saint-Jérôme ne sont toujours pas fermés, c’est qu’Hydro-Québec en a besoin pour faire fonctionner leur exploitation ».

Le président provincial du SEMHQ rappelle que la mission de la société d’État est « de redonner aux régions en ayant des emplois convenables et en procurant une économie régionale à celles-ci », ce qui est inobservé avec une stratégie de centralisation, selon lui.

Le Centre de téléconduite de Baie-Comeau qui transit 33 % de l’énergie provinciale est situé à Baie-Comeau. Photo : Anne-Sophie Paquet-T

Prévoir le coup 

Le Syndicat des employés de métiers d’Hydro-Québec (SEMHQ) a confirmé au Manic que déjà deux travailleurs du Centre de téléconduite travaillant au sein de l’exploitation d’énergie ont senti la soupe chaude il y a quelque temps. 

Ces mêmes employés d’Hydro-Québec ont eu peur pour leur avenir et ils ont fait le choix, à contrecœur, d’aller travailler à l’extérieur de la région. Désirant conserver leurs compétences professionnelles, ils ont décidé de faire ce sacrifice. 

Les deux travailleurs sont toujours dans l’incertitude s’ils continuent de résider sur la Côte-Nord ou non.

Pour l’instant et pour le bien de leurs familles, ils font des centaines de kilomètres toutes les semaines à leurs frais et doivent se louer un hébergement aussi directement de leur portefeuille. 

Souhaitant de tout cœur vieillir dans leur région, les employés ne croient pas que cette possibilité sera envisagée avec la centralisation prévue, selon les confidences faites à leur Syndicat.  

Chez Hydro-Québec… 

Par courriel, Hydro-Québec a refusé notre demande d’entrevue. Par contre, la société d’État a éclairci quelques points concernant sa position sur ce projet de centralisation. 

Louis-Olivier Batty, conseiller stratégique des relations avec les médias chez Hydro-Québec a fait parvenir les informations suivantes par écrit. 

— Il est prématuré de parler de fermeture du centre de téléconduite de Baie-Comeau. L’évolution de l’exploitation du réseau entraînera fort probablement des changements dans l’organisation du travail. Cependant, les employés permanents concernés par ces changements continueront d’être à l’emploi d’Hydro-Québec, même s’ils pourraient être appelés à changer d’emploi.

— Cette évolution de l’exploitation du réseau apportera des gains en efficacité et en réduction de coûts d’exploitation au bénéfice de nos clients. Et notre volonté demeure de minimiser les impacts pour nos employés afin d’assurer une transition la plus humaine et flexible possible.

— La nouvelle organisation souhaitée par Hydro-Québec pour l’exploitation de son réseau n’aura aucun impact sur la qualité du service et le rétablissement lors de pannes. Le centre qui orchestre le rétablissement du service pour le réseau de distribution n’est d’ailleurs pas localisé dans la région.

— La nouvelle organisation de nos activités de l’exploitation du réseau ne concerne pas les équipes œuvrant au terrain tel que les monteurs, les électriciens d’appareillage, etc.

— L’effectif d’Hydro-Québec dans la région est stable depuis les dernières années et, depuis la pandémie et les nouvelles technologies déployées, nous avons plus d’opportunités sur des postes qui auraient été autrefois ouverts uniquement dans les grands centres.

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