À tous les temps

10 mai 2018
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Bac sur la rivière Bersimis, avant le traversier « Père Charles-Arnaud », soit avant 1947. Photo source inconnue

Bac sur la rivière Bersimis, avant le

À tous les temps, selon les marées et les vents cette chronique apparaîtra dans votre gazette. Fouiller mes archives pour vous raconter une histoire du passé ou une autre où le présent participe un peu plus, tel sera le but de ce fragment de journal qu’on laissera, occasionnellement, à ma disposition. Déformée par la généalogie, ma vision du passé mettra souvent des personnages de la région en avant-plan. N’espérez pas une chronique généalogique, nous sommes ailleurs, mais un ailleurs où sont vos ancêtres si vous avez de l’imagination. Et ces récits, c’est le territoire qui les imposera. On se promènera dans tous les cantons, de notre si jeune et si belle Haute-Côte-Nord, à la recherche d’histoires perdues. Pour justement ne pas vous perdre en chemin, j’ai pensé vous en tracer les contours pour ce premier rendez-vous.

Si on demande à Jos de nous nommer les lieux entre les rivières Saguenay et Bersimis, je ne suis pas certaine que ses petits-enfants, milléniaux, sauront de quoi il parle. Il est même probable que la génération « Passe-Partout » (ses enfants) l’ignore aussi. Pour paraphraser certains humoristes, disons qu’il y a des lieux qui se perdent ! Comme la majorité de ceux où nos ancêtres travaillaient et vivaient. Sur une route chaotique, conjuguée à tous les temps, visitons notre MRC en compagnie de Jos et sa nouvelle blonde, Euphronie.

Dans les cantons du secteur BEST

Arrivant de Rivière-aux-Canards*, après un tour de bateau, c’est au volant de sa superbe Ford que Jos quitte le quai de l’Anse à l’Eau*, en saluant le capitaine Jos Deschênes. Il bifurque vers le Moulin-à-Baude* en direction de la ferme des Hovington pour l’habituel café chez son oncle. Il écourte sa visite car sa nouvelle blonde, mademoiselle Maltais, l’attend à l’Anse-de-Roche*. Un petit détour sur le chemin du Grand Brûlé*, le cœur en fête, Jos amène Euphronie faire une «ride » dans les cantons. En reprenant la route 15, malchance! Une crevaison dans le coin de la Pointe à la Carriole*. Jos doit aller jusqu’à la Pointe-à-John* pour demander de l’aide à Ti-Louis Gagnon, l’archéologue. Une fois réparé, on passe devant Bon-Désir*, lieu de naissance de la mère de Jos, c’est naturellement une Boulianne.

C’est finalement à l’Anse aux Basques* que l’amoureux fera une halte romantique, avec Euphronie, pour observer le changement de capitaine. Il en profite pour lui raconter ses souvenirs de gamin, alors qu’ils jouaient dans toutes les petites anses des Escoumains, celles à Otis, à Motté (Tremblay), à Jos (Ross), à Placide (Létourneau ?). Il y en a tellement que sa douce en perd le nord. Seuls les habitants du lieu peuvent démêler toutes ces anses et ces baies. Naturellement, un peu plus tard, la baie des Escoumains* et sa Pointe de la Croix* se laissent admirer alors qu’ils prennent une petite bouchée chez Mme Henriette. À peine rendue à la Rivière des Petits Escoumains*, Euphronie a déjà une petite envie, Jos lui demande de se retenir jusqu’au canton Iberville

Dans les cantons du secteur EST

Euphronie peut enfin se soulager à la Rivière La Petite Romaine*, malgré sa crainte de se faire surprendre par les fils de Jobidon, qui s’occupent de la mine d’ocre rouge. L’odeur de « varette » de Baie-des-Bacon* n’est qu’un souvenir quand ils remontent la côte du « veau à trois pattes » des Bouchard en direction de la Rivière du Sault au Mouton*. Stationnés dans la cour de l’étable de la compagnie Iberville Lumber, Euphronie et son cavalier admirent la chute. C’est là que le p’tit Perron viendra leur raconter les derniers potins des gens des Crans Rouges*. On repart et apparaît la splendide Baie-de-Mille-Vaches*, royaume des Martel et des Tremblay-Micho. Une fois passé le hameau de Rivière Éperlan* Jos arrive à la Pointe-à-Boisvert*… où ne résida jamais un Boisvert mais bien des Laurencelle et des Barrette. C’est là que la cousine de Jos lui confie une lettre à poster au comptoir d’Hamilton Cove* en passant à Portneuf*. En rembarquant dans sa Ford, il raconte à Euphronie que c’est à St-Georges-de-Portneuf* que le père de son chum Gendreault s’est marié quand il est arrivé dans la région. « Petit Gagnon » les sort de la Seigneurie des Mille-Vaches en leur faisant traverser la rivière Portneuf* pour les déposer sur l’autre rive, dans le canton Laval.

En prenant le fameux croche de la Patte de Lièvre*, ils croisent Jean à Raymond* Tremblay, en route vers La Malbaie, convaincu que personne ne se souviendra de lui dans cent ans. Tout est calme au Canton Latour en attendant les politiques de retour à la terre du gouvernement Taschereau et l’établissement de Brisson et Pelchat qui feront commerce à rivière Blanche* dans les années 1930. Les cahots lèvent le cœur d’Euphronie quand ils arrivent enfin au canton Betsiamites, où habitent une bande de blancs et non pas les Papinachois qui occupent l’autre rive de la Bersimis*. Après une petite halte à l’Anse-à-Norbert* (Lebel), Jos voudrait arrêter à CoUlombier comme il dit si bien mais il faut garder le cap sur sa destination. L’amoureux cèdera toutefois à sa douce qui veut dire une prière à la chapelle des Ilets-Jérémie*, c’est finalement très tard qu’ils arrivent au Banc des Blancs* où une déception attend Jos, son cousin Miller, a été appelé en urgence pour faire traverser la Bersimis à une dame Gagnon qui risquait d’accoucher sur la route. S’achève ainsi la promenade, en plusieurs époques, d’Euphronie et Jos dans les cantons de notre territoire.

Les cantons disparus

En décembre dernier, la municipalité de Colombier devenait la dernière (1), sur notre territoire, à compléter sa « rénovation cadastrale » et reléguait, définitivement, nos cantons (issus du système anglais) à l’histoire. Il ne reste que le TNO (Territoire Non Organisé) du Lac au Brochet qui englobe l’arrière-pays, les « Terres de la couronne » comme dirait Jos! Les lots ont maintenant des numéros à sept chiffres et font tous partie du « cadastre du Québec ». Quant à la Seigneurie de Mille-Vaches (issue du système français), si elle n’inclue plus les lots des citoyens de Portneuf-sur-Mer et St-Paul-du-Nord depuis plus de 50 ans, elle existe toujours. Cependant, mon clavier, justement issu de cette Seigneurie, ignore que les cantons n’existent plus, il ne connait que ça. Il les conjugue encore à tous les temps, à tous les vents et je vous convie à surveiller cette chronique. J’espère que vous serez au rendez-vous! À bientôt!

(1)

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