Quand les battures de Mille-Vaches se dévoilent

Par Shirley Kennedy 8 août 2018
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La deuxième partie de l’épave découverte par monsieur Ti-Louis Barette de Longue-Rive. Photo Journal Haute-Côte-Nord

La deuxième partie de l’épave découverte par monsieur Ti-Louis Barette de Longue-Rive. Photo Journal Haute-Côte-Nord

Longue-Rive – Albert Tremblay habite la rue Boisvert à Longue-Rive. Autrefois route Principale où habitaient plusieurs familles souches de St-Paul-du-Nord. Aujourd’hui prisé par des villégiateurs en quête d’espace et de nature sauvage, le petit coin de paradis de monsieur Tremblay, est devenu pour lui un lieu de découvertes et d’énigmes fascinantes.

À la retraite depuis quelques années, monsieur Tremblay parcourt l’immense berge devant chez-lui, à la recherche d’artéfacts maritimes, mis au jour au gré des courants, selon le bon vouloirs des marées.

À l’automne 2017, son voisin monsieur Jean-Louis Barette surnommé Ti-Louis, natif de la rue Boisvert, lui rapporte la découverte de ce qui semble être une épave à moins d’un kilomètre de la résidence de monsieur Tremblay. Les deux hommes se rendent sur les lieux et relèvent la présence de plusieurs poutrelles s’apparentant au pont d’un navire.

Malheureusement, les deux comparses voient l’opportunité de partager leur précieuse trouvaille anéantie le printemps suivant, emportée par les grandes marées.

Le printemps dernier, monsieur Ti-Louis tombe sur un vestige semblable à quelques mètres à l’ouest de sa première découverte mais qui semble être soutenu par un appendice sous-jacent similaire. « J’ai contacté Érik Phaneuf, archéologue subaquatique et selon la description que je lui en ai faite, il semblait dire que c’est probablement une partie du navire qui a été solidifiée puisque fortement sollicitée », explique Albert Tremblay, faisant référence à l’entreposage de canons ou des boulets.

Toujours en place, cet artéfact présente certaines caractéristiques particulières différentes de celles du HMS Banterer découvert en 2016 sur les rives de la Baie de Mille-Vaches d’autrefois. Monsieur Tremblay pointe les gournables dont les épites (petit coin de bois qu’on insère dans une cheville pour la grossir) sont en forme de rectangle, « alors que celles du Banterer sont en forme de X et il y en a de formes triangulaire ou carré », précise ce passionné des naufrages, qui partage ses trouvailles avec son bon ami André Maltais de Portneuf-sur-Mer, un érudit en la matière. Ce sont eux, en 2016, qui ont alerté les autorités de la présence de l’épave du Banterer au large de Portneuf-sur-Mer.

De découverte en découverte
Il y a quelques mois, toujours à l’affût, notre explorateur fait la découverte d’une épave qui représente une partie de navire, nichée au creux d’un fossé et immergée par la crue printanière. « Je ne suis pas spécialiste mais je crois que c’est une autre partie du Banterer en raison de la largeur des madriers et de leur teinte qui s’apparente à l’essence de bois, soit du chêne », ajoute-t-il.

L’érosion
Les découvertes de plus en plus fréquentes des vestiges de la mer, monsieur Tremblay les attribue au phénomène d’érosion, qui affecte le littoral depuis plusieurs années en certains endroits stratégiques. « J’en ai déjà parlé à des experts qui sont sceptiques. Moi je partage seulement ma théorie. Puisque j’habite ici depuis plusieurs années et je prends des marches à tous les jours. Les épaves dont je vous ai parlées, je ne les ai pas observées au cours des années précédentes. C’est l’érosion qui nous déterre ces trésors historiques ».

Natif de Portneuf-sur-Mer, Albert Tremblay a vécu la majeure partie de sa vie sur les rives du fleuve St-Laurent qui n’ont plus de secret pour lui. Se fiant aux récits de son père, ce dernier a sa propre théorie quant à l’érosion et sa provenance. « Nous avions des pêches à la fascine ainsi que d’autres familles du village. Et je remarque qu’à ces endroits, il n’y a aucun signe d’érosion au contraire. Moi je ne crois pas que ça soit les courants qui sont responsables de l’érosion, il y a d’autres explications ».

Monsieur Tremblay et son ami André sont toujours en contact avec l’archéologue subaquatique Érik Phaneuf et un archéologue retraité de Parcs Canada, Daniel Laroque, avec qui ils échangent toujours leurs découvertes. Monsieur Tremblay collectionne une multitude de concrétions, ces pièces étranges créées de la réunion de différents corps chimiques et physiques qui se solidifient ensemble. « Au centre de la pièce se trouvent souvent des métaux. Ça peut être une carcasse de voiture ou encore une pièce de navire », ajoute-t-il.

Une sculpture à rapatrier
Le prochain défi de monsieur Albert et son ami André Maltais, rapatrier la sculpture provenant de la proue d’un navire et découverte au large de la Baie de Mille-Vaches en 1937, rien de moins. Celle-ci serait actuellement entreposée dans une voûte souterraine au Musée des beaux-arts de Québec. « Je trouve que ces trésors appartiennent à notre histoire et je vais faire les représentations nécessaires auprès du conservateur du Musée afin d’entamer les démarches pour la rapatrier ».

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