Chronique : Les fleurs du jardin de madame Marie-Paule

Par Shirley Kennedy 11:00 AM - 22 avril 2020
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Photo : iStock

Ça fait un bail que madame Marie-Paule habite au Foyer. Depuis 1997 pour être plus précise. L’automne prochain, la doyenne de la place entamera sa 24e année dans cette oasis réconfortante qu’elle ne veut plus quitter. Née pendant la Première Guerre Mondiale, dame Marie-Paule Tremblay a vécu les grands événements qui ont marqué l’Humanité.

Cette pandémie en est un de plus. Un autre qu’elle égrène sur le fil de son chapelet de 104 années de vie.

La Grande Dépression, la Seconde Guerre Mondiale, Hiroshima et le 11 septembre 2001, sont autant de moments historiques inscrits à la feuille de route de cette marathonienne du temps.

Des moments ponctués de petites et grandes joies, assombris d’écueils et de pertes inéluctables, il va sans dire.

Madame Marie-Paule a donc survécu, entre autres, à la perte de son époux Auguste Laurencelle, et de quatre de ses douze enfants.

Solide, enjouée et vive d’esprit, cette centenaire est portée par l’amour de sa famille et celle des préposées du Foyer, les fleurs de son jardin.

Ces âmes dévouées, qui à chaque jour, répondent aux besoins essentiels des résidents. Alors que le Québec connaît la pire crise de son histoire et que la vie de ses personnes aînées n’a jamais été autant menacée, madame Marie-Paule est à l’abri, dans son cocon de la rue de la Mer.

Bichonnée, soignée comme nulle autre pareille, elle attend patiemment le retour des beaux jours.

« On ne l’a pas vue depuis le 12 mars, révèle sa fille Florence. Elle a son téléphone et parfois elle appelle 2-3 fois dans la même journée. »

S’il est une certitude pour Florence, c’est que sa mère ne manque de rien, même en ce temps de crise.

« Ils sont encore capables de prendre soin de leur monde et ils savent que s’il faut qu’on y aille, on va y aller ».

Le lien unique qui unit les employés du Foyer et les familles des résidents, n’est certes pas exclusif à l’établissement. Il existe dans plusieurs résidences privées et publiques.

Tel un tsunami, la COVID-19 a permis à cette vocation autrefois dévalorisée, de se voir portée aux nues.

Florence sait depuis fort longtemps et reconnait plus que quiconque l’importance des travailleurs de la santé, dont ceux des CHSLD et résidences privées. Elle espère qu’enfin, leur travail sera reconnu à sa juste valeur.

« Cet hiver, ils m’ont appelée, un samedi matin vers 7 h 30. Elle saignait du nez. Lorsque je suis arrivée, ça faisait une heure et demi que la préposée épongeait avec le kleenex. Elle blaguait et on se relayait, le temps que ça passe. »

Des anecdotes du genre, Florence et ses sept frères et sœurs, pourraient en partager à la tonne. Oui, il y a des récits d’horreur à dénoncer, à raconter.

Mais il persiste ici et là, des histoires aux couleurs d’arc-en-ciel à partager.

Marie-Paule Tremblay est originaire de Saint-Paul-du-Nord, localité de la Haute-Côte-Nord aujourd’hui appelée Longue-Rive. Elle réside au CHSLD des Bergeronnes, autrefois désigné comme le Foyer Mgr-Gendron.

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