(PHOTOS) Cap Colombier : des résidents sans eau et sans espoir

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 9 novembre 2021
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Une partie des résidents de Cap Colombier rencontrés par notre journaliste il y a quelques semaines. Depuis ce temps, quatre autres propriétés sont privées d’eau excluant celle de madame Picard. Photo : Archives

Rencontrés par le Journal Haute-Côte-Nord, des résidents de Cap Colombier sont aussi désespérés les uns que les autres. La privation d’un accès à l’eau potable leur complique la vie et ils se sentent laissés à leur sort par les instances municipales et gouvernementales.

Sur une cinquantaine de propriétés situées dans ce secteur de Colombier, une vingtaine de propriétaires y vivent à l’année. Gérard Tremblay, Charles Morin, Jean Tremblay, Daniel Roy, Ginette Samuel et Daniel Hins en font partie.

De leur avis, le fait qu’ils se soient établis dans une zone de villégiature ne justifie pas l’absence de service et le manque de soutien de la Municipalité quant à l’alimentation de leur domicile en eau potable.

« On est parmi les plus taxés du village et on n’a même pas le droit d’avoir accès à de l’eau. C’est injuste », déclarent les résidents appelés à témoigner.

Chacun des domiciliés vit une problématique distinctive selon les particularités de son terrain. Daniel Roy, par exemple, voit le niveau d’eau de son puits diminuer considérablement en période de sécheresse alors que Charles Morin, de son côté, doit intervenir pour évacuer le surplus d’eau de ses installations.

Au final, chaque citoyen investit des milliers de dollars pour être le plus autonome possible en termes d’approvisionnement en eau, mais personne n’est pleinement satisfait.

« C’est quoi la meilleure solution pour satisfaire tout le monde? Un puits communautaire? Un réseau d’aqueduc? On ne le sait pas parce qu’il n’y a aucune démarche qui a été entreprise par la Municipalité pour savoir ce qu’il serait possible de faire », déplore l’ancien enseignant Gérard Tremblay.

Érosion des berges

L’érosion des berges, qui touche de nombreuses municipalités de la Côte-Nord, vient ajouter des défis supplémentaires pour certains habitants plus près du fleuve.

« J’ai dû m’installer une clôture avec des sacs de sable pour ralentir l’érosion près de mon puits de surface sinon il aurait sûrement déjà été emporté par les grandes marées », illustre Charles Morin, qui réside au Cap Colombier depuis 27 ans.

D’autres propriétaires ont également peur que leurs installations d’alimentation en eau soient détruites à court et moyen terme.

« On est toujours stressé par rapport à l’eau. Oui, on a une belle vue, on est dans un coin tranquille, on a une belle qualité de vie, mais on ne sait jamais si on va perdre notre accès à l’eau », témoigne Daniel Hins, habitant ce secteur depuis 1989.

Conséquences

Ceux qui réussissent à soutirer suffisamment d’eau de leur puits pourraient se considérer chanceux, mais le fer étant présent en grande quantité dans l’eau, il y a tout de même des conséquences à son utilisation.

D’abord, les dépôts ferreux dans les installations forcent un entretien récurrent et amènent souvent la réparation de certaines pièces.

De plus, les citoyens doivent renouveler régulièrement leur ensemble de robinetterie.

« Je change mes robinets et ma tuyauterie aux 10 ans. Pour les vêtements, il faut éviter d’acheter du blanc parce que ce n’est pas long qu’ils deviennent jaunes. L’eau paraît limpide, mais au contact de l’oxygène, elle s’oxyde », confie Jean Tremblay.

Les systèmes de pompage nécessitent des entretiens récurrents et « il y a toujours quelque chose à réparer », ajoute Ginette Samuel. Cette dernière en provenance de la Montérégie réside au Cap Colombier depuis 11 ans. Elle cherche depuis quelque temps à vendre sa résidence, découragée par toutes les complications engendrées par l’absence de service.

« Quand il y a des travaux à faire pour mes installations en eau, je dois toujours faire appel à quelqu’un et défrayer ses heures de travail, fait-elle savoir. C’est toujours de l’argent à investir, il n’y a jamais de pause. On se demande tout le temps ça va être quoi le prochain bris. »

C’est d’ailleurs pour ces raisons que les résidents non permanents Steeve Hovington et sa conjointe Audrey Roy sont en faveur de la mise en place d’un projet communautaire.

« Même si on n’est pas là à l’année, on a quand même les mêmes problèmes en raison de l’eau ferreuse. Ça vaudrait la peine de payer une somme supplémentaire annuellement, mais d’avoir accès à de l’eau potable », divulgue M. Hovington, qui s’établira au Cap Colombier de façon permanente à sa retraite.

Tests

Plus les années passent, plus les résidents du Cap Colombier se sont résignés à s’occuper eux-mêmes de leur sort. Certains ont effectué des tests pour trouver une solution miracle à leur problème.

« La nappe phréatique étant absente, il faut être chanceux pour tomber sur une bonne veine d’eau et, à coup de 13 000 $ par forage, il ne faut pas se tromper trop souvent avant d’abandonner », affirme Jean Tremblay, qui prévoit tenter un nouveau procédé l’été prochain après avoir découvert une veine d’eau salée.

Tel un petit village, les habitants de Cap Colombier s’entraident, mais n’ont pas réalisé de demande commune à la Municipalité. L’organisme qui les représentait autrefois existe toujours, mais n’a plus d’administrateurs.

« On a réussi à faire ouvrir le chemin l’hiver grâce à ce comité, mais les gens y ont mis beaucoup d’efforts et se sont essoufflés », rappelle Jean Tremblay. Parce qu’à force de trop donner, on finit par marcher les pieds dans l’eau…

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