Places en garderie sur la Côte-Nord : en surplus, selon le ministère de la Famille

Par Emy-Jane Déry 6:00 AM - 5 juillet 2023
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Il y aura un surplus de places en garderie sur la Côte-Nord dès 2025, selon le ministère de la Famille, mais les intervenants du milieu de la petite enfance de la région sont loin d’en être convaincus. 

Il y aura un surplus de 23 places subventionnées dans Sept-Rivières et de 88 places dans la Manicouagan en 2025, selon les estimations de l’offre et de la demande en services de garde éducatifs à l’enfance du ministère de la Famille (MFA). Pourtant, on rapporte 389 enfants sur la liste d’attente de ces deux MRC. 

À Sept-Îles, faute de main-d’œuvre, le CPE Sous le bon toit a annulé son projet de 79 nouvelles places devant voir le jour cet automne. Dans l’appel d’offres du MFA ouvert le 15 juin, aucune place n’est prévue pour le territoire de Sept-Rivières. Elles ont été retirées.

De plus, aucun nouveau projet de service de garde en milieu familial à Sept-Îles n’a encore découlé des assouplissements instaurés par le gouvernement. Un projet pilote permet notamment à une responsable d’un milieu familial d’œuvrer ailleurs qu’à la maison. Par exemple, dans un local fourni par la municipalité, ou dans un milieu de travail. 

Le ministère calcule que 186 nouvelles places sont actuellement en développement dans Sept-Rivières, dont 60 à Port-Cartier. Le CPE Nid d’hirondelle de Sept-Îles travaille toujours sur un agrandissement permettant 97 nouvelles places et le CPE Metuetau offrira 29 places dans une nouvelle installation au cégep de Sept-Îles.

Cependant, les CPE de Uashat mak Mani-utenam sont indépendants et ont leur propre liste d’attente. Dans ce cas-ci, comme le CPE sera dans les installations du cégep, il a été comptabilisé dans les projets allochtones. 

Des données

La façon de compter du ministère de la Famille (MFA) ne tient pas en compte toutes les réalités de la région, estime Odette Lavigne, directrice du Regroupement des CPE de la Côte-Nord. Le tableau de bord du gouvernement applique un pourcentage de variation démographique. Il réduit ou augmente le besoin de places des régions, en fonction des prévisions de croissance, ou de décroissance de la population. 

Selon les données les plus récentes du gouvernement, entre juillet 2021 et juillet 2022, la Côte-Nord et le Nord-du-Québec sont les seules régions de la province à avoir connu une baisse de population. Cette réalité vient brouiller les cartes, croit Mme Lavigne.

C’est que pour attirer des familles, il faut être en mesure de leur offrir des places en garderie. Pour en offrir, il faut en obtenir.

« À Baie-Comeau, je lis dans nos journaux que nous sommes en train de potentiellement accueillir une grande usine de batteries. Ça va sûrement attirer des travailleurs et on veut, en général, sur la Côte-Nord, attirer de nouvelles familles selon ce que j’entends de nos élus », explique-t-elle. « Le système, de la manière qu’il fonctionne actuellement, on ne pourra jamais aller en développement [de places en garderie]. » 

Il faudrait que le MFA tienne davantage compte du potentiel et des projets de développement des régions pour planifier le nombre de places requis, selon Mme Lavigne. « On voit qu’il y a des efforts pour cibler les besoins, mais c’est dommage qu’on ne prenne pas en considération les développements des municipalités », souligne-t-elle.

Le maire de Sept-Îles est aussi de cet avis. « Prendre en considération seulement des statistiques, c’est un non-sens, ça ne tient pas compte des projets », a commenté Steeve Beaupré. « Par exemple, si Alouette décide de lancer sa phase 3 demain matin et a besoin de 400 travailleurs, ça va créer un besoin de places en garderie qui ne sera pas dans les statistiques », a-t-il illustré. 

Un statut région éloignée

Obtenir un statut de région éloignée pourrait venir régler une partie du problème et permettre de développer des places à l’avance, en fonction des projets, et ce, sans pénalités financières pour les CPE. Les installations doivent actuellement payer au gouvernement les places subventionnées qui leur sont accordées, mais qui ne sont pas occupées par des enfants.

Cet élément viendrait freiner le développement dans certains cas, car le risque financier à assumer pour les CPE est trop important. « C’est difficile en ce moment de développer, si nous n’avons pas un statut de région éloignée », dit Odette Lavigne. 

Le ministère confiant

Le ministère de la Famille explique ainsi ses données. « Pour le territoire de bureau coordonnateur (TBC) de la MRC Sept-Rivières, en date du 30 avril 2023, le déficit actuel est de 184 places. Il y a actuellement 4 projets en réalisation pour un total de 186 places subventionnées dans la région. Ainsi, le solde de places projeté en 2025 est positif de 23 places », a indiqué par courriel Bryan St-Louis, directeur des communications du MFA.

Malgré l’annulation du projet de Sous le bon toit, le ministère estime que l’offre projetée sera suffisante. « Bien que ce projet ait été annulé, il en demeure 4 qui ajouteront 186 places subventionnées pour ce TBC », réitère M. St-Louis. « Par ailleurs, la variation démographique du TBC de la MRC Sept-Rivières étant négative (-2,2 %). Ainsi, la demande projetée est plus basse que l’actuelle, amenant un solde de places projeté en 2025 positif à 23« , maintient-il. 

La pénurie de main-d’œuvre représente un défi que le ministère de la Famille dit « prendre au sérieux ».

Dans son courriel, il fait référence à plusieurs programmes gouvernementaux mis en place à l’échelle provinciale, dont l’Opération main-d’œuvre, représentant un investissement de près de 295,3 M$ sur cinq ans.

« Cet investissement vise, d’ici 2026, à recruter quelque 18 000 nouvelles éducatrices et nouveaux éducateurs de la petite enfance, en plus d’en qualifier plus de 7 000 autres qui sont déjà en poste dans le réseau », précise-t-on.

Aucun des programmes mentionnés dans la réponse du MFA ne tient toutefois compte des spécificités de la Côte-Nord.

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