Anticosti à l’UNESCO: L’île savoure sa nomination

Par Émélie Bernier 2:48 PM - 20 septembre 2023 Initiative de journalisme local
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La chute Vauréal dans l’oeil de la photographe Sophie Thibault. Courtoisie.

Qu’est-ce qui peut bien réunir une quarantaine de citoyens de l’île d’Anticosti un mardi matin en pleine période de chasse? Une annonce comme celle de l’UNESCO, bien sûr! Quelques heures à peine après ladite annonce, la mairesse Hélène Boulanger savoure encore l’euphorie de ce moment historique.

« C’était particulièrement émotif ! Tout le monde était captif et écoutait avec attention quand c’est venu le tour du Canada de présenter le projet d’Anticosti… À l’annonce, les visages se sont empourprés, les yeux se sont voilés de larmes ! Tout le monde cherchait le regard de quelqu’un pour partager sa joie ! Même mes bas de nylon ont fait la vague », rigole la sympathique élue.

Aux citoyens qui lui demandaient pourquoi elle n’était pas à Riyad, elle servait cette réponse toute simple. « Je voulais être avec toi, ici, nulle part ailleurs ! »

La journée du 19 septembre a été un feu roulant, la mairesse ayant enfilé entrevue après entrevue. En soirée, une soixantaine d’Anticostiens se sont retrouvés pour festoyer.

« Encore là, réunir 60 citoyens en pleine période de la chasse, c’est un exploit ! Tout le monde était content et voulait se regrouper, il y avait une intensité dans l’humeur et les émotions ! », relate-t-elle.

Ceux qui s’attendaient à un changement drastique suite à l’apposition du sceau « UNESCO » seront déçus. « Dans les faits, qu’est-ce que ça change ? Du jour au lendemain, rien ! Mais ça apporte le droit de croire qu’on va pouvoir changer des choses et amener une pérennité, une croissance a l’île. C’est majeur, c’est international, c’est la possibilité de pouvoir changer les choses, d’agir. Les petits Gaulois deviennent tout d’un coup très intéressants ! Cette notoriété, c’est notre outil principal pour être entendu ! », s’emballe Hélène Boulanger.

Courtoisie Sophie Thibault.

Le travail derrière cette nomination est gigantesque, mais la suite s’annonce à tout le moins aussi laborieuse. « Si vous êtes en train de gravir une montagne qui mesure 2000 mètres et que vous savez qu’après, vous devrez en monter une de 5000 mètres, vous ne regardez pas le second sommet. Vous savez qu’il est là, mais entre les deux, vous faites un palier pour prendre des forces. Là, on profite de ce palier. Ce projet, c’est notre Everest ! », image Mme Boulanger.

La liste des priorités est longue, mais elle a le mérite d’être bien connue. « Il y a cinq ou six priorités sur la première marche du podium et on doit jongler avec tout ça avec peu de monde. Ça prend une énergie assez particulière et c’est là qu’on dit qu’on a besoin d’aide. »

Le chèque ne viendra pas de l’UNESCO, avise la mairesse. « Le label » patrimoine mondial », les gens avaient l’impression que ça venait avec des millions de $, mais non, ça vient avec des responsabilités ! Si tu n’honores pas ton titre, tu vas le perdre ! », insiste-t-elle. Mais le sceau donne « minimalement une belle aura », ajoute celle qui est prête à prendre le bâton de pèlerin pour aller cogner aux bonnes portes. « Je sais être convaincante ! L’UNESCO, ce que ça fait, c’est que quand j’ai besoin de faire des interventions, ça répond ! Ils trouvent une place à l’agenda ! On va se faire de nouveaux amis », lance-t-elle, évoquant les deux paliers de gouvernement.

Une île mythique à préserver

Résidente de la bien nommée « perle du Saint-Laurent » depuis 2011, Hélène Boulanger souhaite que l’île ne soit pas dénaturée par sa nouvelle notoriété. « Il faut être conscient des risques. L’île est mythique et il faut améliorer l’accès, mais il ne faut pas que ça devienne un boulevard. Le mythe de l’île ne vient pas pour rien… Il faut le vivre pour le sentir ! Quand on arrive ici, ce n’est pas nous qui prenons possession de l’île, c’est l’île qui nous absorbe. C’est peu commun ! »

Hélène Boulanger. Photo courtoisie/archives

Elle ne compte plus les visiteurs tombés, comme elle, sous le charme d’Anticosti. « Je suis arrivée en 2011 et ça m’a fait ça. Le mythe, on va le faire durer. Il n’y a pas juste les fossiles à protéger. Notre mode de vie est à protéger, on ne deviendra pas Venise ! »

Et pas question non plus que l’île soit réservée exclusivement aux mieux nantis. « Il faut que ça reste accessible à tout le monde, parce que ça appartient à tout le monde ! Si ça devient élitiste, j’aurai manqué le bateau ! », conclut Hélène Boulanger.

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