Examen de l’OIIQ: la FIQ prête à réclamer des millions de dollars en indemnités
La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Julie Bouchard. Photo Jacques Boissinot/La Presse Canadienne
Le fiasco de l’examen d’admission à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) pourrait coûter des millions de dollars en rémunération perdue et en dommages si l’Office des professions du Québec confirme que des centaines de candidates ont été brimées. Leur syndicat a bien l’intention de se battre pour qu’elles soient indemnisées.
En entrevue à La Presse Canadienne, la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Julie Bouchard, confirme que les ressources juridiques du syndicat évaluent actuellement les recours possibles. Elle veut que ses membres récupèrent les sommes perdues en salaire et en avantages sociaux, en plus d’évoquer de possibles préjudices moraux.
«Notre secteur juridique est en train de regarder jusqu’où on peut aller parce que c’est inacceptable», affirme Mme Bouchard qui insiste sur l’impact psychologique d’une mention d’échec.
«L’anxiété monte (chez les) candidates à la profession d’infirmière qui ont peur de se présenter à l’examen en se demandant: combien d’échecs je vais avoir? Est-ce que ça veut dire que je devrais changer mon parcours de carrière?», poursuit-elle.
Dans un communiqué publié jeudi matin, le syndicat qui dit compter plus de 80 000 membres prévient qu’il va «défendre leurs droits avec vigilance».
D’après les informations transmises par la FIQ, une candidate à l’exercice de la profession d’infirmière (CEPI) gagne 23,49 $ de l’heure. Une fois l’obtention de son permis de pratique, son tarif grimpe à 25,81 $ au premier échelon. Si toutefois elle a un statut de clinicienne, le taux s’élève à 27,08 $.
C’est donc un manque à gagner de 2,32 $ à 3,59 $, multiplié par des milliers d’heures de travail, dont un grand nombre en temps supplémentaire, que s’apprête à réclamer le syndicat. Mais à qui?
La FIQ admet qu’elle s’interroge encore sur la responsabilité dans cette affaire. Qui devrait payer? Les établissements de santé emploient les infirmières, mais ils versent la rémunération selon le statut déterminé par l’ordre.
D’après des experts en droit consultés par La Presse Canadienne, le recours contre l’employeur semble peu probable. La voie la plus intéressante dans ce dossier serait celle d’une action collective ou d’une poursuite en responsabilité civile contre l’OIIQ.
Le syndicat pourrait s’adresser à la Cour supérieure pour déclencher une action collective à titre de personne morale, au nom de ses membres. Mais la barre est haute lorsque l’on s’en prend à un ordre professionnel puisque l’article 193 du Code des professions leur accorde une forme d’immunité. L’objectif est de leur permettre de jouer librement leur rôle de protecteurs du public en présumant de leur bonne foi. Cependant, certains des experts consultés pensent que les gestes reprochés à l’ordre pourraient ouvrir la porte à une contestation de cette immunité.
À la FIQ, la présidente Julie Bouchard en a aussi contre l’Office des professions. À ses yeux, ce «chien de garde» aurait dû agir beaucoup plus rapidement «pour justement éviter ce chaos».
Dans le camp du gouvernement, on préfère ne pas se prononcer sur l’éventualité de devoir indemniser des infirmières. Au cabinet de la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, on veut «laisser l’expert nommé par l’Office faire son travail», mais on maintient que «l’ordre doit prendre ses responsabilités et suivre les recommandations du commissaire (à l’admission aux professions)».
Depuis près d’un an, le commissaire enquête sur le taux d’échec élevé à l’examen professionnel de l’OIIQ. Dans un troisième rapport d’étape dévoilé cette semaine, il conclut que des centaines de candidates à l’exercice de la profession d’infirmière (CEPI) ont échoué en raison d’une manipulation «injustifiée» de la note de passage.
Ses travaux ont aussi relevé d’importantes failles méthodologiques dans la conception de l’examen ainsi que dans le calcul des résultats. Des manquements si graves qu’il a remis en question la fiabilité et la validité de l’outil.
En réaction, l’Office des professions du Québec a décrété une forme de tutelle en imposant à l’OIIQ un spécialiste indépendant dont le mandat est de veiller à ce que les recommandations du commissaire soient appliquées. Il devra aussi procéder à un recalcul des résultats des examens de septembre 2022, de mars 2023 et de septembre 2023.
Retard dans les résultats
En raison de l’intervention de l’Office des professions, l’OIIQ a d’ailleurs fait savoir qu’un délai supplémentaire sera nécessaire pour connaître les résultats de l’examen du mois dernier. Au lieu des six semaines habituelles, l’attente pourrait durer un peu plus de deux mois alors qu’on devrait connaître les résultats en novembre.
Une fois de plus, la FIQ a déploré ces délais. Le syndicat soutient que les candidates ayant choisi de passer à nouveau l’examen pourraient être «lésées deux fois plutôt qu’une».
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