L’immobilisme du Canada face à l’abus dans le sport lui vaut le «Prix ignoble»
La juge Rosemarie Aquilina du tribunal du Michigan attend de comparaître devant le Comité du patrimoine chargé d'étudier la sécurité dans le sport au Canada, le lundi 19 juin 2023 à Ottawa. Photo La presse Canadienne/Adrian Wyld
Le Canada a finalement remporté, jeudi, le «Prix ignoble» du Centre d’intégrité sportive de l’Université de New Haven, au Connecticut, pour son refus de tenir une enquête publique sur les abus dans le sport.
«Par son silence, le Canada est complice des abus dont ont souffert des athlètes de tous âges», a déclaré la juge américaine Rosemarie Aquilina, qui était invitée à décerner ce douteux honneur.
La juge Aquilina, qui a condamné le médecin Larry Nassar pour les multiples agressions sexuelles envers plusieurs gymnastes aux États-Unis, avait elle-même témoigné devant le Comité du Patrimoine aux Communes, en juin dernier, pour encourager le Canada à déclencher une enquête judiciaire sur les abus dévoilés dans certaines fédérations sportives, dans la foulée du scandale de l’étouffement d’agressions sexuelles par Hockey Canada.
La ministre des Sports de l’époque, Pascale St-Onge, avait alors promis la tenue d’une enquête dont elle n’avait pas précisé les contours, mais cette promesse n’a pas eu de suite. Sa successeure aux Sports, Carla Qualtrough, n’a toujours pas fait cheminer le dossier non plus.
Négligence absolue
C’est cet immobilisme qu’a dénoncé sans retenue la juge américaine.
«Le gouvernement canadien n’a rien fait pour s’attaquer à l’abus d’athlètes et ordonner la tenue d’une enquête. Ceci est de la négligence absolue qui ne peut être tolérée.
«La sécurité est un droit humain. Ce n’est pas un point d’interrogation. On ne peut l’ignorer et pourtant, le Canada n’agit pas», a-t-elle déploré.
Rosemarie Aquilina a rappelé que «des milliers d’athlètes de plus de 15 sports sont venus de l’avant» pour détailler les abus dont ils avaient été victimes, «traçant avec difficulté les contours d’une culture toxique d’abus systématique qui est enchâssée, incontrôlée et permise dans le sport canadien».
«Vu des États-Unis, le Canada est un pays qui fait toujours la bonne chose», a-t-elle poursuivi, disant s’être attendue à ce que le pays fasse preuve de leadership. «Je n’aurais pas pu être plus déçue et je le demeure.»
«Clairement, le Canada n’est pas un endroit sécuritaire pour les athlètes. Ce n’est pas un endroit sécuritaire pour les enfants qui font de la compétition sportive.
«Le Canada mérite ce prix, a-t-elle conclu. Je n’aurais jamais cru que le Canada serait placé dans la même catégorie que le Qatar, le gagnant de l’an dernier pour les abus des droits de la personne.»
Un «processus formel» à venir
Dans une missive à La Presse Canadienne, le bureau de la ministre Qualtrough a indiqué que celle-ci s’engage à «annoncer bientôt les détails d’un processus formel dont l’étendue sera complète et qui tiendra compte des traumatismes vécus», sans donner davantage de précisions.
On assure que la ministre des Sports tient à ce que «les survivants et survivantes soient entendus et que leur bravoure se traduise par des changements à long terme». Elle dit reconnaître que le système sportif canadien «ne protège pas suffisamment nos enfants et que les dirigeants du sport et leurs fédérations ne sont pas suffisamment imputables».
Outre le Canada, les directeurs du PGA Tour, dans le monde du golf, étaient aussi en nomination pour avoir conclu une entente avec le circuit concurrent LIV de l’Arabie saoudite sans avertir les joueurs ou les familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001, dont ils avaient pourtant obtenu l’appui pour s’opposer à la création du circuit saoudien.
La troisième nomination pour ce prix peu enviable visait les criminels basés dans les Balkans qui ont mis sur pied un véritable réseau de trucage d’événements sportifs sur tous les continents.
Martina Navratilova honorée
Ce «Prix ignoble» est une contrepartie du prix, plus convoité celui-là, de «Noble objectif pour favoriser l’intégrité dans le sport» décerné à la même occasion par l’Université de New Haven.
Le prix a été décerné cette année à la joueuse de tennis Martina Navratilova, gagnante du plus grand nombre de titres de grand chelem de l’histoire (en incluant le simple, le double et le double mixte), pour son militantisme en faveur de l’équité envers les femmes dans le sport.
«Les athlètes féminines sont au bas de l’échelle, souffrant durant leur parcours, tout en tenant cette ‘’business’’ du sport à bout de bras», a-t-elle déclaré.
«Plusieurs administrateurs dans le milieu du sport sont réticents à offrir une voix aux femmes pour leur permettre de défendre les droits des femmes en matière d’équité dans le jeu, les salaires, le traitement, de protection contre les abus sexuels, de création d’un environnement accueillant pour les gais et lesbiennes.
«Nous ne sommes pas anti-trans. Nous sommes pro-femmes, pro-sports, pro-équité et pro-égalité et il nous faut trouver des moyens où tous sont acceptés, mais pas au prix de l’équité pour les femmes et les filles», a-t-elle conclu.
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