CHRONIQUE | Les commerces de proximité en voie d’extinction 

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 1 février 2024
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La tabagie Duchesne était l’un des plus anciens commerces de Forestville.

L’artère commerciale de Forestville continue de perdre des plumes. Une autre entreprise, devrais-je dire institution, a fermé ses portes au début de l’année. Que restera-t-il de nos commerces de proximité ?

En 2023, deux entreprises sont disparues du paysage entrepreneurial de la municipalité. D’abord Gagnon Frères a lancé la serviette après des difficultés de recrutement de main-d’œuvre.

Même si son siège social est à Saguenay, le magasin d’ameublement avait pignon sur rue à Forestville depuis belle lurette et embauchait des ressources locales. 

Ensuite, c’est la quincaillerie J. M. Rioux qui a mis la clé sous la porte, laissant derrière elle sa clientèle des 35 dernières années.

Depuis sa fermeture en avril, la bâtisse est toujours à vendre. C’était un commerce de proximité, transmis de génération en génération. 

Maintenant, en janvier 2024, la 2e Avenue doit faire le deuil d’un deuxième établissement qui faisait partie intégrante du milieu, la Tabagie Duchesne.

Le dépanneur, librairie, et lieu préféré des amateurs de bonbons à la cenne, figure sur la liste des plus anciens commerces forestvillois. Aujourd’hui, fini les Slush Puppies et les pads de bingo. Les portes restent closes. 

La question que je me pose : quel est le prochain ? Sur quel commerce de proximité devrons-nous faire une croix dans les mois à venir ? Deux PME en quelques mois… Ce n’est rien d’encourageant. 

Forestville n’est pas aussi à plaindre que d’autres villages qui ne comptent, par exemple, que sur un seul dépanneur pour offrir des commodités essentielles.

La plus grande agglomération de la Haute-Côte-Nord ne se retrouve pas en mauvaise posture parce que la tabagie ou la quincaillerie a fermé ses portes. Les services sont tout de même offerts sans avoir besoin de parcourir 20 kilomètres pour se procurer une pinte de lait, ce qui serait davantage affligeant. 

On dit souvent que l’école est le cœur d’un village. Que sont nos commerces de proximité, ceux opérés par des entrepreneurs de chez nous, qui persistent et signent malgré les tempêtes ?

Ils créent des emplois locaux, investissent dans notre économie et transposent leur dynamisme dans notre milieu. Pour moi, ces petites et moyennes entreprises sont le reflet de notre ville.

Le fameux achat local

On l’entend à maintes reprises : il faut acheter local, encourager nos entreprises d’ici avant de commander sur Amazon, plus spécialement avant le temps des fêtes. 

Plus facile à dire qu’à faire, vous me direz. Est-ce que c’est ça qui aurait permis aux trois commerces disparus de survivre ? Je ne crois pas que ce soit la seule cause. 

Oui, nos commerçants devraient être nos premiers choix quand vient le temps de magasiner.

Quand on arrête au dépanneur du coin chercher son sandwich pas de croûte, on fait vivre notre économie. Quand on sort la carte de crédit pour payer notre panier en ligne, on ne contribue d’aucune façon au dynamisme entrepreneurial de notre région. 

Dévitalisation villageoise

Forestville n’est pas la seule à voir disparaître ses commerces de proximité. En Haute-Côte-Nord, des fermetures ont aussi touché d’autres localités.

Au Québec, la dévitalisation continue de croître, une problématique qui occupe les pensées de la Fédération québécoise des municipalités (FQM). 

À pareille date l’an dernier, le président de la FQM, Jacques Demers, confiait au Journal de Québec que la « dévitalisation est vraiment un dossier qu’on essaie de défendre ».

Dans une étude, l’Institut de la statistique du Québec dévoile que les municipalités de moins de 1 000 habitants qui n’ont pas d’édifices de commerce de détail sont en croissance. 

En 2021, 95 municipalités étaient touchées par ce phénomène de dévitalisation, comparativement à 55 en 2006. 

« L’achat dans les cœurs de villages du Québec est en déclin depuis plusieurs années, au profit des géants du web et des grandes surfaces », avait dénoncé le premier ministre François Legault durant sa dernière campagne électorale. 

Sa promesse de venir en aide aux régions s’est concrétisée avec le Fonds régions et ruralité (FRR) qui dispose d’une enveloppe totalisant près de 1,3 milliard $ jusqu’en 2024.

C’est quoi la suite ? Quelles sont les solutions ? Est-ce qu’aider les municipalités à coup de millions est suffisant pour soutenir ceux à la tête des entreprises ? 

Ce sont des questions qui doivent certainement faire partie des discussions des élus. Maintenant, nous, en tant que citoyens, nous avons aussi un rôle à jouer. 

Si chacun y met du sien, tout est possible. Ensemble, nous pouvons soulever des montagnes et sauver notre économie locale. 

D’une fille qui n’a pas envie de perdre son pain de fesse…

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