Sites archéologiques menacés par l’érosion: agir avant qu’il ne soit trop tard
Yoan Jérôme tamise les sols d’un sondage fouillé dans le secteur de la Baie de Uashat. Photo courtoisie Jean-Christophe Ouellet
Les sites archéologiques qui se situent le long de la côte du Saint-Laurent sont fort nombreux. Seulement sur la Côte-Nord, on estime leur nombre entre 1500 et 2000, dont plus d’un millier témoigneraient du riche passé des Premières Nations sur le territoire. L’érosion est un phénomène qui s’amplifie. De nombreux sites archéologiques qui n’y résisteront pas, d’où l’importance d’agir. Et plus tôt que tard.
À Sept-Îles, trois sites récemment identifiés près du vieux poste de traite font l’objet d’une attention particulière, car des travaux de stabilisation des berges y sont prévus. Un de ces sites est antérieur à la présence européenne en Amérique du Nord.
André Michel, directeur du bureau de la protection des droits et du territoire de Uashat mak Mani-utenam, et Jean-Christophe Ouellet, archéologue, sont à pied d’œuvre pour protéger ce qui peut l’être. Le premier à titre de chargé de projet et le second à titre d’expert.
« Dans un premier temps, on fait de la recherche, des inventaires. L’été dernier, des artefacts ont été prélevés et récoltés pour analyse. On en est à l’étape de la préparation du rapport. D’autres fouilles sont prévues l’été prochain, qui impliqueront de s’installer et de documenter les sites en question », explique l’archéologue.
Ces fouilles, plus exhaustives, prendront plusieurs semaines. Outre l’archéologue, une équipe composée de membres de la communauté y participera. « Ce sera un travail assez long, quelques semaines pour chacun des sites. Tout ce qui sera trouvé sera récolté et fera l’objet d’un catalogage. À la fin, ça devient une collection qui doit être conservée, protégée, et ce, idéalement localement », indique M. Ouellet.
Le Musée Shaputuan pourrait accueillir les artefacts.
Un site documenté, fouillé, c’est un peu moins grave s’il disparaît, mais ce n’est pas toujours satisfaisant pour tous, parce que les sites ont un caractère parfois sacré. Pour les Innus, c’est une partie de l’identité, du message historique qui disparaît. Mais en enregistrant le plus possible d’informations, on préserve, en quelque sorte, la mémoire du lieu.
Il y a une volonté de diffusion et de mise en valeur, ça fait partie des interventions, mais c’est aussi important que les collections restent le plus proches de leur lieu de découverte . -Jean-Christophe Ouellet.
D’un point de vue archéologique, toutes ces démarches atténuent la gravité de voir le site disparaître, indique-t-il.
« Un site documenté, fouillé, c’est un peu moins grave s’il disparaît, mais ce n’est pas toujours satisfaisant pour tous, parce que les sites ont un caractère parfois sacré. Pour les Innus, c’est une partie de l’identité, du message historique qui disparaît. Mais en enregistrant le plus possible d’informations, on préserve, en quelque sorte, la mémoire du lieu. »
Tous les sites ne pourront être sauvés, ne serait-ce qu’au moyen de fouilles, mais les communautés sont déjà engagées sur la bonne voie. Des travaux de recherche sont notamment en cours dans le bassin supérieur de la rivière Moisie, au cœur du territoire patrimonial des Innus de Uashat et Mani-utenam.
« ITUM a déclenché des mesures pour réussir à faire les fouilles, même si le financement ne découle pas des travaux d’infrastructures à venir, par exemple. Pour moi, cela démontre une détermination à l’échelle de la communauté », se réjouit Jean-Christophe Ouellet, qui apportera son expertise tant que celle-ci sera requise.
Le compteur tourne, puisque les travaux de stabilisation sont prévus en 2025. La firme Englobe est d’ailleurs mandatée sur ce dossier. André Michel rappelle que la priorité est de préserver le milieu de vie de la communauté.
« Oui, on veut et on doit protéger le patrimoine archéologique innu. On aimerait le garder intact, à l’endroit où il se trouve, mais si malheureusement il est destiné à partir parce qu’il y a de l’érosion, la deuxième solution est de documenter et de prélever le plus d’artefacts possible, avant que les sites disparaissent ou soient affectés par les travaux », conclut André Michel.
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