L’arrestation de 22 personnes par la SQ devrait permettre de faire baisser la tension

Par Sidhartha Banerjee 12:13 PM - 28 février 2024 La Presse Canadienne
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La Sûreté du Québec (SQ) a arrêté une 22e personne qui serait liée à une guerre entre des groupes criminels à Québec et dans l'est de la province. LA PRESSE CANADIENNE/Ryan Remiorz

L’arrestation de 22 personnes, dont des Nord-Côtiers, prétendument liées à une guerre entre des groupes criminels à Québec et dans l’est de la province devrait permettre de limiter les bains de sang, les enlèvements et les incendies criminels des derniers mois, ont déclaré mardi des experts du crime organisé. 

Le conflit implique des trafiquants de drogue indépendants qui s’alignent sur un gang de rue québécois appelé «Blood Family Mafia» et qui refusent de payer les Hells Angels pour leurs activités menées sur les territoires des motards. 

La Sûreté du Québec (SQ) a lancé vendredi l’«Opération Scandaleux» pour tenter d’apaiser les différents conflits qui ont éclaté dans l’est du Québec, tels que les incendies criminels, les fusillades et autres crimes violents pour lesquels des enquêtes étaient déjà en cours.

«C’est une alliance de nombreux trafiquants de drogue, certains sont indépendants, d’autres sont membres de gangs de rue, mais ce qu’ils ont en commun, c’est qu’ils ne veulent pas payer la part de 10 % aux Hells Angels», explique Maria Mourani, criminologue et présidente de Mourani criminologie. «Cela fait longtemps qu’il y a un mécontentement parmi les gangs de rue, car ils ne veulent plus travailler pour les motards.»

Selon Mme Mourani, ce mécontentement a explosé dans la région de Québec. Les récentes arrestations contribuent à réduire une partie de cette pression et à retirer les individus dangereux de la rue.

«Mais nous n’avons pas résolu le problème, de plus en plus de gangs de rue ne veulent pas travailler pour des gangs de motards», a-t-elle précisé, en ajoutant que le même sentiment existe parmi les gangs de Montréal, où il y a aussi des luttes pour le territoire.

La recrudescence de la violence s’est accompagnée de vidéos diffusées au sein des réseaux criminels montrant des membres de gangs de rue qui tortureraient des Hells Angels.

«Ce qu’on sait, c’est qu’ils ont filmé les coups, filmé la torture pour publier ces images sur les réseaux sociaux et les envoyer aux Hells Angels pour faire passer un message», a déclaré André Gélinas, un sergent-détective à la retraite de la police de Montréal qui a travaillé dans le renseignement et le crime organisé.

Selon lui, la violence est régulièrement utilisée par des groupes criminels tels que la mafia italienne, les motards et les gangs de rue, mais auparavant, «ils essayaient de se cacher pendant qu’ils le faisaient». Le fait qu’ils filment leur violence reflète une nouvelle approche, a-t-il ajouté.

Parmi les personnes arrêtées depuis quelques jours figurent huit hommes et deux femmes impliqués dans une prise d’otages qui a fait un mort et trois blessés à Saint-Malachie, au sud de Québec, le 19 février. On retrouve parmi eux deux Septiliens : William Monger Gagnon, 27 ans et Evan Lavoie, 21 ans. 

Les charges retenues contre eux comprennent l’enlèvement et les voies de fait graves «pour blessure, mutilation, défiguration et/ou mise en danger de la vie».

Patrick Martin, 29 ans, a été identifié comme étant le défunt et des informations indiquent qu’il a été tué par l’une des personnes kidnappées.

Mme Mourani a affirmé que la publication par les gangs de rue sur les réseaux sociaux est une pratique de longue date, mais que les vidéos illustrant la torture des opposants sont une première au Québec. Selon elle, il s’agit d’une pratique plus communément associée aux cartels mexicains ou colombiens ou aux gangs de rue d’Amérique centrale.

La rafle du week-end et celle de cette semaine ont inclus des membres de haut rang de la «Blood Family Mafia».

Le chef du groupe, Dave «Pic» Turmel, est toujours en cavale et est recherché par la police de Québec depuis juillet 2023, après une opération lancée en février 2019 pour contrer une hausse des violences liées au trafic de drogue. Selon certaines informations, Turmel se cache en Europe.

La sergente Hélène St-Pierre, de la SQ, a affirmé que la 22e personne arrêtée dans le cadre de l’«Opération Scandaleux» avait comparu mardi devant le tribunal à Québec.

La Couronne a déclaré que la plupart des personnes arrêtées ces derniers jours devraient revenir devant le tribunal mercredi.

M. Gélinas a affirmé que ce sera aux tribunaux de faire leur travail maintenant que les arrestations ont été effectuées. «J’espère que cela va mettre un peu un frein à (la violence), a-t-il ajouté. Nous croisons les doigts pour que les tribunaux fassent leur part.»