Plongeuses en difficulté au quai des Pilotes : le drame évité, elles appellent à la vigilance des plongeurs

Par Shirley Kennedy 5 juillet 2016
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Tous ceux et celles qui ont contribué de près ou de loin au sauvetage des plongeuses Nancy Hovington et Chantale Otis. Pascale Boucher, ambulancière, Jacques Chamberland, Myriam Tremblay, Valérie Otis, le jeune Olivier et l’ambulancier Carl Boucher.

Les Escoumins – Le dimanche 19 juin dernier vers 13 h, Chantale Otis et Nancy Hovington des Escoumins entament leur plongée à la Baie des anémones au site de plongée sous-marine des Escoumins. À ce moment-là, elles sont loin de se douter de ce qui les attend. Une mésaventure qui aura sans aucun doute des répercussions dans leur vie future.

Fidèles à leur routine, Chantale Otis et Nancy Hovington effectuent leur test de vérification (BALLO). Bien que les conditions semblent idéales pour la plongée, le vent commence à se lever sur les rives du fleuve St-Laurent et les vagues tassent timidement les plongeuses sur les récifs pendant qu’elles vérifient l’air dans leurs bonbonnes ainsi que l’état de leur lestage. « À cet instant, une première petite lumière s’est allumée dans ma tête, raconte Nancy Hovington. Pas assez pour l’exprimer verbalement à Chantale mais j’ai pensé que les conditions étaient en train de changer ».

En direction de la crique ouest, Nancy s’arrête à la crique centrale par crainte de ne pas voir la corde de la crique ouest. Elle prend la corde dans ses mains pour signifier à sa compagne de plongée qu’elle a l’intention de monter. « J’ai fait signe à Chantale. Elle n’a pas voulu et c’est bien normal, nous avions encore beaucoup d’air », ajoute Nancy.

Les deux plongeuses poursuivent donc leur trajet sous l’eau et Nancy est à l’affût de la fameuse corde de la crique ouest.  À un moment donné, elle aperçoit deux plantes qui lui sont familières et qui lui laissent supposer qu’elles sont enfin arrivées à la crique ouest. « J’aurais dû me faire plus confiance. Nous étions rendues à la crique ouest mais la corde nous ne l’avons jamais vue. Alors nous avons poursuivi et lorsque j’ai vu les récifs roses, je savais qu’on se dirigeait en direction du quai des Pilotes et que nous étions trop loin ».

Le cauchemar

Impossible alors pour les deux plongeuses de rebrousser chemin, le courant est trop fort. À ce moment, quelque chose s’est passé par rapport au courant. « J’ai fait une montée non contrôlée sur 35 pieds et ensuite, une très grosse vague m’a ramassée et je me suis cogné la tête sur les récifs et j’ai perdu mon détendeur (appareil qui permet de respirer) », raconte Nancy.

« Nous étions pognées dans les vagues. Nancy s’était cogné la tête, nous étions désorientées. J’étais à la surface de l’eau et Nancy dans le bouillon. J’ai cru qu’elle allait se noyer », poursuit Chantale.

En excellente forme physique, Chantale et Nancy confirment toutes les deux que leur condition a contribué au fait qu’elles soient sorties saines et sauves de cette mésaventure. « Nous faisons beaucoup de sport Chantale et moi. Je sais que ma forme physique m’a permis de me propulser hors de l’eau et de récupérer mon détendeur au même titre que la condition physique de Chantale lui a permis de me sortir de la vague et me ramener au bord des rochers ».

En état de choc, Nancy se souvient qu’elles ont réussi à se mettre à l’abri dans une crique et que des personnes tentent de la sortir mais en vain. « Ça semblait être des petites personnes. Ça prend une certaine force physique puisque notre équipement à lui seul pèse presque 100 livres ».

Le sauvetage

Les petites personnes en question, sont Myriam Tremblay des Escoumins, infirmière de profession et sa cousine Valérie Otis qui se précipitent sur les crans pour aider les plongeuses en difficulté. « Nous étions en train de pêcher au quai et on a vu des plongeurs qui semblaient en mauvaise posture, raconte Mme Tremblay. Olivier mon neveu de 11 ans s’est approché et a confirmé la détresse des plongeuses. Moi et ma cousine sommes parties à la course et on est descendues sur les crans. On a réussi à la sortir un peu mais elle était pesante. Ensuite, mon oncle, mon beau-frère et Jacques Chamberland sont arrivés à la rescousse. Ils l’ont sortie et je lui ai donné les premiers soins en attendant les services d’urgence ».

Le sauveur

Jacques Chamberland, autrefois technicien ambulancier, est celui qui a empoigné le bras de Nancy Hovington. Il salue le sang-froid de Myriam Tremblay, de sa cousine Valérie, de son beau-frère et de Jason Gagné qui a contacté le 911. « J’étais en promenade et j’ai vu des personnes qui couraient d’un bord et de l’autre. Il y en a qui étaient figés, d’autres criaient. J’ai vu Myriam et son beau-frère qui m’a crié de venir puisqu’une plongeuse était en train de se noyer. Il était nerveux, il voulait sauter directement sur les crans. Nous sommes descendus. J’ai crié pour qu’elle me donne son bras et je l’ai sortie », raconte celui qui humblement, ne veut pas que tout le mérite lui soit attribué.

Lorsqu’elle a vu le visage de celui qui l’a tirée de ce mauvais pas, Nancy Hovington était soulagée. « C’est un visage familier, on se connaît et on se parle souvent. Pour moi, à ce moment-là c’était Dieu. Même si tout le monde a été d’une grande aide. Il a eu un élément plus fort. Quand il m’a ramassée, il était fort et il m’a sortie. Je savais qu’on était sauvées même si j’étais en état de choc et que quelques minutes plus tôt, j’avais accepté la mort et eu une dernière pensée pour mes enfants et mon chum », dit Nancy Hovington.

La vigilance

Chantale Otis et Nancy Hovington ont accepté de parler ouvertement de leur expérience pour deux raisons: pour que la vraie histoire soit connue puisque plusieurs versions ont circulé sur les réseaux sociaux. Et aussi, pour sensibiliser les plongeurs à faire preuve de vigilance sur le site des Escoumins, considéré comme l’un des plus dangereux au Québec. Après vérification, Nancy confirme que la corde était bel et bien ancrée dans la crique ouest. Elle était envahie par les végétaux et n’était pas collée le long du rocher, donc extrêmement difficile à voir.

« Les seules responsables à 100% dans l’histoire, c’est moi et Chantale, lance Nancy. On n’est pas supposées se fier à une corde pour sortir. Avant, quand je plongeais, j’allais du point A au point B. Je ne balisais pas mon territoire. Dorénavant, je vais vérifier l’état des lieux, les marées et je ne plongerai plus jamais en fin de marée comme cette journée-là. Il ne faut jamais omettre aussi de gonfler notre veste de flottabilité et on n’aurait pas dû sortir au quai des Pilotes. Ce n’est pas la faute de la base de plongée des Escoumins, ni la faute de Parcs Canada ».

L’avenir

En fin de semaine dernière, Chantale Otis, qui en est à sa 4e année comme plongeuse certifiée Open Water, tentait d’obtenir sa certification Advance. Dès qu’elle le pourra, Nancy Hovington, plongeuse depuis 7 ans et cerfifiée Advance, s’inscrira au cours de Rescue.

Si au final, la mésaventure de ces deux passionnées de plongée, permet de sensibiliser et de conscientiser les futurs plongeurs des Escoumins à la particularité des conditions, leur but aura été atteint et leur pénible expérience n’aura pas été vaine.

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