Les chaines majeures ont beaucoup plus de poids

19 février 2017
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Baie-Comeau – À Baie-Comeau, « c’est Couche-Tard qui a le monopole pour fixer les prix, parce que quand il bouge, il bouge en masse », affirme Stéphane*, un commerçant qui a préféré garder l’anonymat et dont le nom a été modifié.

Bien que Couche-Tard soit considéré comme un indépendant, puisqu’il n’a pas de lien direct avec une pétrolière, les prix sont fixés par la chaine plutôt que par les gérants locaux.

« Toutes les décisions de tarification de l’essence pour les succursales à travers le Québec sont prises de façon centralisée au centre de services de Couche-Tard », confirme Tamara Chiasson, conseillère principale chez TACT, qui gère une partie des communications de la multinationale basée au Québec.

Selon les informations divulguées sur son site Web, la compagnie possède quatre essenceries à Baie-Comeau. Selon le Portrait du marché québécois de la vente au détail d’essence et de carburant diesel publié par la Régie de l’énergie, Baie-Comeau comptait 18 essenceries en 2013. Outre les quatre appartenant à Couche-Tard, les autres sont réparties entre différentes bannières corporatives et propriétaires indépendants.

Pas le choix de suivre

« Quand ils [Couche-Tard] changent tous en même temps, on n’a pas le choix de suivre. Ils ont le pouvoir de nous écraser. […] Il faut que je tienne les prix. Une couple de semaines, je mange mon argent. Je compense après », explique le commerçant.

Puisque les commerçants ont accès aux prix des autres détaillants, affichés sur des pancartes à la vue, ils peuvent facilement ajuster leurs prix. C’est ce qui fait que les prix sont souvent semblables d’un commerçant à l’autre, un phénomène connu qui se nomme parallélisme des prix.

« C’est sûr que si mon concurrent baisse, je vais baisser et s’il monte, je vais monter, parce que sinon je perds de l’argent », indique Jacques Bérubé, du dépanneur Daka. Garder un prix plus bas quand les autres montent peut permettre de vendre plus de litres, mais en raison des volumes de vente et des couts d’exploitation, cela n’est pas nécessairement rentable pour les stations.

Même situation dans le sens inverse : « Je pourrais monter mon prix, mais les gens ne viendraient pas ici. […] Je fais une tournée deux fois par jour pour voir les prix des autres », précise le propriétaire du Daka.

Le vice-président de l’Association canadienne des carburants, Carol Montreuil, explique que les consommateurs ne font pas de différence entre Esso ou Irving. « Pour eux, c’est toute la même chose. […] Des études marketing ont démontré que pour deux ou trois cents/litre moins cher, les consommateurs sont prêts à aller plus loin. […] Ils n’ont pas le choix d’avoir des prix qui sont pareils », souligne-t-il.

L’impact du corporatif

Autre facteur à ne pas sous-estimer : les détaillants corporatifs ont aussi leur influence sur la fixation des prix dans le marché, en raison notamment de leur capacité à absorber les fluctuations ou des marges plus basses sur une plus longue période.

En décembre, par exemple, une tentative de faire remonter les prix a eu lieu, mais cela n’a pas fonctionné. « Ultramar n’a pas suivi, donc nous non plus », affirme Jacques Bérubé, soulignant que cette compagnie a pour politique d’afficher les prix les plus bas.

Une information que confirme Israël Charest, propriétaire de la station-service du même nom sur le boulevard La Salle, dont les installations pétrolières sont propriété d’Ultramar. « Ils veulent que ce soit plus bas ou égal aux autres. Quand ça baisse, on est dans les premiers à descendre et quand ça monte, on attend que tous les autres soient montés », explique-t-il. Quant à la pétrolière elle-même, elle ne souhaite pas commenter les prix de l’essence.

Quant au fait que les prix demeurent relativement stables dans un marché donné, il ne s’agirait pas d’une situation extraordinaire. En effet, quelques facteurs peuvent influencer le marché. Notamment, un commerçant qui voit que le marché mondial fluctue peu pourrait avoir tendance à conserver des prix plus stables.

Par ailleurs, selon Carol Montreuil, les commerçants qui ont des volumes plus faibles vident moins souvent leurs réservoirs et ne sont pas obligés de commander tous les jours. Le prix auquel ils achètent leur essence a donc un impact sur le prix auquel ils consentent à la vendre.