« Le bout du monde est à Paul-Baie »

Par Shirley Kennedy 30 mars 2017
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Forestville – Des citoyens du secteur Paul-Baie de la ville de Forestville en ont assez. Assez de l’indifférence de l’administration municipale face à leurs sempiternelles doléances. Assez de se sentir dans une « classe à part », d’être traités comme des citoyens de seconde zone. En entrevue au Journal, ces citoyens de souche du secteur Paul-Baie, dénoncent l’inaction et le désintérêt du conseil municipal à leur endroit.

Ils sont quatre du même avis mais ils estiment représenter la majorité des quelque 75 personnes qui résident à Paul-Baie, un secteur composé d’une rue asphaltée situé au nord de Forestville et érigé lors de la colonisation en 1936. À environ huit minutes en voiture du centre de Forestville, Paul-Baie est composé d’une trentaine de maisons qui sont en général, transmises de génération en génération ainsi que de plusieurs lots, propriétés de résidents de Paul-Baie et de Forestville.

Les citoyens expriment trois doléances en particulier. La première : le mauvais état de la route et l’absence d’investissements pour procéder aux réparations de celle-ci. « Lorsqu’elle a fait campagne avant d’être élue pour son premier mandat, notre mairesse nous a promis qu’elle réparerait Paul-Baie par petits bouts à chaque année pour finir par refaire la rue au complet, note Mélanie Lapointe. Ils ont « patché » pendant trois ans, c’est à peu près tout ce qui a été fait ». Pendant ce temps, le mauvais état de l’asphalte est tel que les voitures présentent des bris et dommages prématurément, selon les résidents. « C’est facile, plutôt que de réparer, ils ont installé une pancarte annonçant qu’il y a des bosses sur 6 km », ajoute Yan Bouchard. Ce dernier soutient que le mauvais état de ce tronçon est tel, que les conducteurs plus intrépides endommagent très souvent le réservoir à huile de leur voiture. « C’est pas compliqué, dit Guylaine Hovington, la seule portion qui a été refaite est celle qui a été endommagée pendant le déluge ».

« Et c’est sans parler des camions lourds du CFP qui passent constamment pour se rendre au casse-pierre. Avec tout l’argent qui est sorti de là, s’ils ne sont pas capables de nous réparer… Ils n’ont pas besoin de s’occuper de notre eau ni de l’égout. Les seules commodités qu’on a c’est les poubelles et le déneigement », déplore M. Bouchard.

On se débrouille à Paul-Baie

Débris d’asphalte qui traînent dans la rue, morceaux de bois qui immergent de l’asphalte, déneigement inadéquat, les citoyens en ont long à dire sur la problématique de la route Paul-Baie. Parents de 5 enfants, Mélanie Lapointe et Yan Bouchard estiment qu’au moins deux fois par an, ils doivent partir avec leur voiture pour récupérer leurs enfants à l’autobus scolaire qui est enlisée ou qui ne peut se rendre en raison du déneigement inadéquat ou encore aller les porter à l’école eux-mêmes parce que l’autobus scolaire ne peut se rendre.

« Faut être riche pour vivre à Paul-Baie »

« On paye des taxes comme tout le monde et on en paye probablement plus que les citoyens de Forestville pour les services qu’on a » dit Yan Bouchard qui avec Mélanie Lapointe, est propriétaire de deux résidences à Paul-Baie dont la leur, évaluée à 111 930 $ et celle habitée par leur fils aîné qui est évaluée à 36 330 $. Pour ces deux résidences, les Lapointe-Bouchard paient 3 080 $ de taxes par an.

Deuxième doléance : les services d’Internet, de câble et de téléphonie sont faramineux. Chez les Lapointe-Bouchard, la facture pour les services d’Internet (200 G de données), de la télévision (Shaw Direct) et du téléphone est de 411 $ par mois, etc. C’est plus que le double qu’à Forestville pour des services semblables. « À ma demande, le conseil a déjà adopté une résolution afin de demander à Telus de faire quelque chose pour nous. Mais cela n’a donné aucun résultat », dit Marjolaine Hovington, surnommée amicalement « la mairesse de Paul-Baie ». Mélanie Lapointe a communiqué avec Telus. On lui a répondu d’oublier ça, que les citoyens de Paul-Baie n’auraient jamais la fibre optique. « Pourtant, moi je travaille à 185 milles au nord de Sept-Îles et on nous a installé la fibre. Au moins, la ville pourrait investir afin d’inciter Telus à nous installer la fibre optique… si c’est impossible de faire plus », dit M. Bouchard.

Zonage agricole inutile?

Dernier point : le zonage agricole du secteur Paul-Baie, qui entraîne une hausse des taxes et des primes d’assurance. « Ils pourraient dézoner ceux qui n’ont pas la possibilité d’exploiter leur propriété. Et il y en a plusieurs. C’est du cran et des montagnes», dit Guylaine Hovington.

Yan Bouchard estime qu’il connaît beaucoup de personnes qui aimeraient s’établir à Paul-Baie. « C’est un beau coin tranquille, c’est retiré, on a la paix ». Mais l’absence de services et le compte de taxes ne sont pas très attractifs pour les futurs propriétaires selon lui.

Préjugés persistants

Mélanie Lapointe, Yan Bouchard, Guylaine et Marjolaine Hovington se disent fiers de leur secteur résidentiel. Ils aimeraient que l’administration municipale le soit tout autant mais ils n’en sont pas convaincus. « Il y a deux maisons abandonnées dans Paul-Baie. Je leur ai demandé lors d’une assemblée ce qu’ils comptaient faire, ils ont dit qu’ils allaient s’en occuper. Il n’y a rien de fait encore. Il y en a une qui est passée au feu. Le fil du téléphone pend encore au-dessus du banc de neige. Ils s’en foutent complètement. Paul-Baie, c’est pas important », ajoute Marjolaine Hovington.

« J’ai sept chambres à coucher dans ma maison, ce n’est pas délabré, on entretient notre terrain. On essaie de garder ça propre mais ce n’est pas encourageant. Pour plusieurs à Forestville, on est et on sera toujours « les crottés de Paul-Baie », dit Mélanie Lapointe.

À la question : serez-vous du Forum citoyen mis sur pied par la ville qui aura lieu le 8 avril prochain? Mélanie Lapointe, Marjolaine et Guylaine Hovington ont l’intention d’y participer. L’avenir nous dira si le conseil municipal compte prêter une oreille attentive aux récriminations des citoyens de Paul-Baie. « On se sent abandonnés, c’est comme si nous ne faisions pas partie de la Ville de Forestville », s’entendent-ils pour dire en conclusion.

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