L’expérience humaine

Par Erika Soucy 3:00 PM - 13 août 2019
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C’est difficile de garder le sourire, vous ne trouvez pas? En ce qui me concerne, c’est la faute à Facebook, à Greta Thunberg, aux analystes financiers et à toutes ces photos tirées des camps de migrants à la frontière américaine.

Je suis pleinement consciente de cracher sur les messagers qui ne font que relayer l’information. C’est beaucoup plus facile de réduire la cause de mon anxiété à l’écran de mon laptop. Je le ferme et hop! Je peux me concentrer sur des choses simples comme lire un livre ou me défouler sur les mauvaises herbes à arracher dans mes plates-bandes (ça revient tout le temps, ces cochonneries-là!)

Il y a quelques semaines, mon voisin (psychologue) me disait qu’il ne regardait plus les nouvelles parce que ça le mettait à l’envers. J’ai trouvé ça drôle sur le coup mais maintenant, j’ai le goût de faire pareil. Et dire que j’ai mis deux enfants au monde…

Avant, je détestais la nostalgie, ça me tapait sur les nerfs, je roulais des yeux dès que j’entendais un « dans mon temps » ou un « quand j’étais jeune ». Maintenant, je voudrais vivre comme dans un roman où l’action se passe avant l’arrivée d’internet. J’envie les personnages qui n’ont pas de téléphone intelligent dans les séries que je regarde. Je vois les enfants de Stranger Things se déplacer à vélo pour se voir et se parler et c’est de ça que je m’ennuie vraiment, je m’en fous des références à E.T. et à Terminator, ce dont je suis nostalgique en regardant Stranger Things, c’est de l’absence de téléphone, de l’absence de bruit, de l’absence de likes.

Cet été, j’ai multiplié les sorties en camping, en forêt, sur le bord de la mer. J’ai lu des histoires de Stephen King dans des endroits où les cellulaires ne rentraient pas et j’ai réalisé qu’un des seuls endroits où je me sens vraiment bien, c’est dans la fiction. Une histoire de meurtres d’enfants par un clown satanique m’est davantage supportable que l’imminente fin du monde qu’on m’annonce constamment et à laquelle je contribue.

C’est difficile de garder le sourire, donc. J’en ai parlé à quelqu’un qui m’a rappelée que de tous temps, l’humanité a vécu des périodes de grand stress : l’inquisition, les guerres, les famines… De faire comme si c’était nouveau, relève de l’inconscience. Ce n’était rien pour calmer ma sensation d’absurdité…
Puis j’ai pensé à un ami qui est décédé récemment à l’âge de 36 ans (si c’est pas absurde, ça!) qui nous a donné ce conseil, transmis lors de ses funérailles : « Privilégiez l’expérience humaine ». Tiens, tiens…

Je me suis demandée si mon bien-être ne se trouvait pas dans ce que j’aime tant de la série Stranger things… Peut-être que ce qu’il me manque, ce sont des rencontres… De vraies rencontres, des échanges, des discussions… Et si je m’ouvrais davantage à l’autre, à l’humain, plutôt qu’au monde entier via mon écran?

J’en entends déjà dire : « C’est ça ! Dans mon temps, les jeunes jouaient dehors pis se parlaient plus! » et je roule encore des yeux. Parce qu’il y a du mépris dans cette affirmation. Même si je vous disais que je laisse tomber Facebook et toute communication instantanée, ça durerait trois mois et je reviendrais en grandes pompes sur ma page. Je le sais, j’ai déjà tenté l’expérience.

Ensuite, je me suis dit qu’il me manquait du temps. Que les gens vraiment riches aujourd’hui, sont ceux qui ont du temps. – Je dirai ça à quelqu’un qui achève son chômage et qui voit arriver l’aide sociale, s’il se croit riche avec du temps, voir…!

Finalement, je me suis dit que ça devrait être un mélange de tout ça, qu’il n’y a pas de recette magique. De belles rencontres, du temps, de l’introspection en nature une fois de temps en temps, loin des distractions médiatiques…

Puis j’ai repensé à cet ami qui après son « Privilégiez l’expérience humaine » a ajouté « je suis heureux ». Depuis son lit d’hôpital avec sa mort annoncée, il a su trouver le bonheur…

Peut-être que l’expérience humaine, je la cherche trop loin?