Une mère des Escoumins craint que son enfant meure loin d’elle

Par ixmedia 5:00 AM - 11 septembre 2019
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Le cri du cœur d’Isabelle Poitras-Morneau

Le cri du cœur d’Isabelle Poitras-Morneau

Aux Escoumins, la mère monoparentale d’un enfant lourdement handicapé dont la vie est menacée par des crises d’épilepsie est déchirée entre la possibilité d’abandonner son emploi pour passer plus de temps avec lui ou continuer de travailler pour joindre les deux bouts.


Olivier Roy Martin

« Quand il est venu au monde, il était mort, Gabriel. Il a eu deux AVC », raconte Isabelle Poitras-Morneau. Réanimé, puis transféré de l’hôpital de Saguenay au Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL), son bébé y a subi une batterie de tests après sa naissance en 2006. Cette épreuve a laissé d’importantes séquelles au cerveau du bambin, explique l’infirmière auxiliaire de 32 ans.

« Est-ce que j’abandonne mon travail pour être à la maison en tout temps, sans rentrée d’argent? Ou j’envoie mon enfant en maison de répit et je perds tout mon temps avec lui? »
– Isabelle Poitras-Morneau

«Les docteurs disaient que ça allait être un enfant paralysé avec un gros retard mental, qu’il n’allait pas avoir une belle vie. On m’a donc proposé de le débrancher», explique celle qui avait alors 19 ans lors de cet accouchement difficile.

Des larmes coulent sur les joues d’Isabelle  Poitras-Morneau en expliquant pourquoi elle a choisi de maintenir Gabriel en vie, malgré tout. « Parce que ça faisait neuf mois que j’avais mon enfant, parce que ça faisait une semaine que j’étais à son chevet. Cet enfant-là voulait vivre. Je ne pouvais pas le débrancher, je n’étais pas capable », confie-t-elle émotivement.

Âgé aujourd’hui de 13 ans, Gabriel Morneau fréquente une classe adaptée à la polyvalente des Berges. Le garçon atteint du trouble du spectre de l’autisme vit avec des problèmes pulmonaires ainsi que des déficiences visuelles et intellectuelles sévères.

« Mon fils a besoin d’une personne en tout temps. Il n’est pas autonome du tout », fait valoir la maman qui a choisi de travailler au plus trois jours par semaine pour s’occuper de son fils.

Le père biologique de Gabriel Morneau n’est pas présent pour son fils, selon Isabelle Poitras-Morneau, qui partage par ailleurs la garde de la fille de 4 ans qu’elle a eue avec un autre homme.

La crainte de le perdre

En juin 2018, une crise d’épilepsie a foudroyé Gabriel. « Il a été inconscient pendant 45 minutes. Je pensais qu’il était mort », raconte sa mère, des trémolos dans la voix. « Il a repris sur lui. Et durant le mois qui a passé, je voyais que ça ne marchait pas. Il fonçait un peu partout. Il ne m’écoutait plus. Il était différent ».

C’était la première d’une série de crises d’épilepsie qui a secoué le garçon l’an dernier. « Depuis ce temps-là, je ne vis plus », dit-elle, rongée par l’inquiétude.

« Il va à l’école toute la semaine. Et moi je vais travailler. Alors je ne le vois plus beaucoup mon enfant. Si jamais il meurt après être tombé malade, et que je ne suis pas là, comment est-ce qu’il va se sentir cet enfant-là? Tu sais, il dit tout le temps « maman maman, toujours toujours … », lâche Isabelle Poitras-Morneau.

Bien qu’elle soit heureuse que le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Côte-Nord ait accepté de fournir à son fils une place en tout temps dans une maison de répit, la résidente des Escoumins fait face à un important dilemme.

D’une part, elle peut choisir de conserver son emploi d’infirmière auxillière qu’elle « adore », mais qui la prive régulièrement de la présence de son fils. Ou bien elle quitte ses fonctions et fait face à la précarité financière.

« Est-ce que j’abandonne mon travail pour être à la maison en tout temps, sans rentrée d’argent? Ou j’envoie mon enfant [en maison de répit] et je perds tout mon temps avec lui? », se demande la mère monoparentale.

Pour le moment, elle n’a toujours pas pris de décision à ce sujet.

Le CISSS de la Côte-Nord trouve des solutions

Épuisée et inquiète, Isabelle  Poitras-Morneau a lancé en septembre 2018 un véritable cri du cœur dans un média québécois. Elle y dénonçait le fait que son fils pourrait se retrouver dans un Centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) en raison de son état.

Interpellé par la situation, le CISSS de la Côte-Nord a choisi d’offrir à la mère de famille une place dans une maison de répit qu’elle peut utiliser « à temps complet si elle le veut [avec une aide financière] jusqu’à concurrence de 1000 $ par année », confirme par courriel le porte-parole Pascal Paradis, sans préciser à combien d’heures de « répit » cette somme correspond.

« Le CISSS a offert cette option à la mère étant donné le grand besoin de répit », ajoute-t-il au sujet d’Isabelle Poitras-Morneau.

Pascal Paradis rappelle également que son organisation finance jusqu’à 44 heures de travail par semaine pour le gardiennage et l’aide physique nécessaires pour les proches aidants comme madame Poitras-Morneau.

Mais pour bénéficier des remboursements pour une gardienne, encore faut-il en trouver une. Et ça représente un « casse-tête » pour la mère de Gabriel parce que celles qu’elle a trouvées refusent de garder son enfant en raison de son comportement ou de craintes liées à son état médical.

« Il est parfois plus difficile de trouver du gardiennage ou une personne qui va aller à la maison pour du soutien à domicile. Mais cela demeure aussi un défi dans les plus grands centres », concède Pascal Paradis.

Le CISSS de la Côte-Nord reconnaît « le besoin d’hébergement pour les enfants vivant avec de multiples handicaps [et poursuit sa] réflexion sur le développement de places d’hébergement dans la région ».

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