60 ans de sacerdoce : les mémoires du curé Laflamme

Par Johannie Gaudreault 12:00 PM - 27 octobre 2022
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L’abbé Antonio Laflamme verra ses 60 années de vie sacerdotale soulignées le 4 juin à l’église St-Luc de Forestville. Photo : William Coady

Antonio Laflamme a eu l’appel de la prêtrise il y a près de 60 ans, « une vocation tardive », confie-t-il, puisqu’il avait 30 ans quand il a été ordonné prêtre, le 8 juin 1963. « C’est un peu plus vieux que d’ordinaire, mais j’ai dû faire le choix entre les amours et la religion. »

Surnommé affectueusement Tonio par la majorité de ses paroissiens, le curé est reconnu pour son intégration dans la communauté et son sens de l’humour hors du commun.

« C’est aussi important d’avoir des amis à qui se confier et de pratiquer des hobbys. On ne peut pas être juste un prêtre tout le temps », dévoile l’homme de foi qui se dit « très heureux » de la vie qu’il a menée.

Le 14 août, l’abbé Laflamme a proclamé son dernier baptême à la chapelle des Ilets-Jérémie pour faire plaisir à des amis. « Je suis comme Dominique Michel, j’ai annoncé ma retraite souvent, rigole-t-il. Mais là, c’est le temps de diminuer. »

Il a fait part de ses intentions au diocèse que « d’ici aux Fêtes, je ne fais plus rien comme ministère à l’exception de la messe du 25 décembre en hommage à ma mère qui est décédée ce jour-là ».

En cas de force majeure, le curé Laflamme pourrait revenir à sa profession « de façon très très occasionnelle », précise-t-il.

C’est que les dernières semaines n’ont pas été de tout repos pour le résident du Cap Colombier. Âgé de 89 ans, celui-ci a eu des difficultés de santé qui l’ont amenées à faire un séjour à l’hôpital. « J’en ai plus de fait qu’il m’en reste à faire, se résigne-t-il. Mais maintenant, ça va mieux. Je ne suis pas mort, je peux encore dépanner si besoin. »

Quand il parle de sa carrière, Antonio Laflamme s’illumine. Il a vécu de nombreux moments marquants et en conserve encore de bons souvenirs. Certains sont plus tristes comme les funérailles de jeunes victimes d’accidents.

« Je m’en souviens encore : 5 jeunes du secondaire en quelques mois seulement. Ça, ce sont des moments qui m’affligent encore », se remémore-t-il. Avec du recul, le prêtre ne regrette pas d’avoir écouté l’appel de la religion. « J’ai senti que j’ai été aimé », dit-il.

Originaire de Saint-Lazare-de-Bellechasse, le curé Laflamme s’est vite adapté à la Côte-Nord et n’a jamais ressenti le besoin de retourner vers ses racines.

« Au début, quand je suis arrivé en 1963, je n’étais ni pêcheur ni chasseur, mais je me suis mis à aimer ça. Ç’a fait mon bonheur au fil des années. Mon plus grand regret est d’avoir vendu mon terrain de chasse quand mon accompagnateur est décédé », raconte celui qui aurait aimé écrire ses mémoires. « Mais là, il est trop tard, je suis trop vieux. »

Le prêtre Laflamme a proclamé son dernier baptême le 14 août à la chapelle des Ilets-Jérémie. Le voici entouré des parents Yan Deschênes et Ann-Sophie Paquet ainsi que des parrain et marraine de l’enfant. Photo : William Coady

Vivre sa foi autrement

Quand il pense à l’avenir de la religion catholique, Antonio Laflamme n’est pas pessimiste. Il est convaincu que les nouvelles générations vivent leur foi autrement, à leur manière.

« Il y a d’autres façons de vivre sa foi qu’en allant prier à l’église », convient celui qui est considéré comme ouvert d’esprit et sans jugement.

Le catholique est d’avis que les femmes devraient être autorisées à devenir curé. « Je ne comprends pas pourquoi elles ne le peuvent pas. Pourtant, dans les fabriques et organismes, on en retrouve beaucoup qui font de l’excellent travail. »

Le prêtre est conscient des blessures vécues par l’église au cours des dernières années. L’ami des Innus n’est pas fier de tout ce qui entoure les pensionnats autochtones. « Si j’avais dû œuvrer dans ces endroits, je me serais sauvé. C’est impossible à imaginer », se désole-t-il.

En confidence, l’abbé Laflamme assure que « les religieux ne sont pas meilleurs que les autres. On est des humains pareils comme les autres, avec nos forces et nos faiblesses ».

Le jour de la révélation

Sa vocation religieuse, le prêtre Laflamme ne l’a jamais mise en doute même s’il se destinait vers l’enseignement à la fin de ses études secondaires. Un jour, il a eu une révélation. « J’ai eu l’appel, je devais devenir prêtre », révèle-t-il.

Avant d’avoir cette illumination, l’homme de foi avait « des amours », comme il le raconte. C’est ce qui lui a causé quelques incertitudes quant à son avenir dans la religion.

« C’est difficile à expliquer, mais j’ai eu un appel pour la prêtrise et ça ne me lâchait pas », ajoute-t-il. C’est ce qui lui a permis de faire un choix.

Une fois ses études en théologie terminées, Antonio Laflamme a œuvré « pas toujours à des postes que j’ai aimés », se souvient-il.

Quand il a su que Monseigneur Gérard Couturier, évêque de Hauterive, recrutait sur la Côte-Nord, il s’est proposé.

Il a d’abord allié ses deux passions, soit la religion et l’enseignement puisqu’il a enseigné la catéchèse à Hauterive et, par la suite, pendant 18 ans à la polyvalente des Rivières de Forestville.

« Mgr m’a aussi envoyé étudier la liturgie pendant un an en Belgique », se rappelle joyeusement Antonio Laflamme.

C’est en 1983 qu’il est nommé curé de Forestville. Il a desservi les paroisses St-Luc et Latour pendant 13 années avant de quitter son poste en raison de problèmes de santé, alors âgé de 63 ans.

« J’ai eu 5 pontages, divulgue-t-il. J’ai donc demandé de ne pas me donner de nomination, mais plutôt d’aider dans le secteur selon les besoins. Je n’ai jamais manqué d’ouvrage. »

En tant que curé, il a vécu plusieurs pans importants de l’histoire de la Ville de Forestville, notamment la fusion de St-Luc-de-Laval avec Forestville, qui appartenait à la compagnie forestière.

« J’ai eu un rôle à jouer dans cette fusion. J’étais pour, on m’a demandé de siéger au conseil pour obtenir ma voix. C’est ce que j’ai fait. »

Il a également failli se présenter aux élections fédérales au tout début de sa carrière. « On m’avait approché pour que je présente ma candidature. J’y ai réfléchi et j’ai finalement refusé. Mais, la politique m’a toujours intéressé. En tant que prêtre, je ne pouvais pas me présenter, mais j’ai souvent fait fi des règles, ça ne me dérangeait pas », de témoigner M. Laflamme.

Au final, le religieux dit avoir été « très heureux comme prêtre ». « Je n’ai jamais mis en doute mon orientation professionnelle », conclut-il.

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