Victimes de violence conjugale sur la Côte-Nord : isolées et apeurées
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Imaginez-vous un instant être loin de votre famille et de vos amis, puisqu’on vous a subtilement éloigné d’eux. Vous avez peur du jugement, vous n’osez pas parler. On vous joue dans la tête, vous ne savez plus quoi croire. Vous n’avez plus de voiture et vous habitez dans un coin isolé de la Côte-Nord. Difficile de vous sauver. Votre cellulaire fonctionne quand bon lui semble, puisque le réseau n’est pas disponible partout. Vous vous sentez pris au piège. Le sentiment de panique augmente. C’est un scénario vécu par des victimes de violence conjugale sur la Côte-Nord.
Julie et Manon (noms fictifs), victimes de violence conjugale, se sont confiées au Journal. Leurs histoires, bien que différentes, ont des points communs qui font partie de la réalité de celles et ceux qui le vivent en région éloignée.
Subir de la violence dans un endroit où il y a peu d’habitants, c’est savoir qu’il est possible de croiser son agresseur n’importe où, à tout moment. C’est avoir la pensée envahissante qu’il pourrait être à l’épicerie, au bar, dans une activité.
« Je dois toujours me battre avec mes pensées », dit Manon, en processus de guérison. « Physiquement c’est inimaginable la tension », rapporte la femme. « Je me suis causé une tendinite à force d’être tendue de peur. »
« Quand je croise mon agresseur, j’ai le cœur qui bat comme si j’avais un ours dans ma face et que je devais me battre pour ma vie », témoigne-t-elle. « Je dois me ressaisir et contrôler mes pensées. Focusser sur ce que je suis en train de faire et chasser mes pensées. »
Elle raconte nommer dans sa tête chaque geste à poser pour lui permettre de garder le focus. « Bon OK. Je gère mon état de panique. Je suis à l’épicerie. Regarde ta liste. Prend ton lait, rend-toi à la caisse… »
Dans une petite région, il faut aussi se battre contre le regard des autres. Les histoires circulent rapidement. Tout le monde sait, sans réellement savoir. Les gens n’ont qu’un côté de la médaille. Tu es du bon côté, ou du mauvais.
« Des gens que je côtoyais quotidiennement disaient ne pas vouloir s’en mêler, mais ont tout de même pris position en plaidant en faveur de l’agresseur au tribunal », raconte Manon. « En tant que victime, on nous appose souvent une étiquette de médisance. La fille qui veut créer du mal à son ex », soulève pour sa part, Julie.
Le conjoint de cette dernière l’a privé de moyen de transport, la rendant prisonnière de chez elle. « Il m’a convaincu de me débarrasser de ma voiture, sous prétexte que je n’en avais pas besoin et m’a ensuite interdit d’utiliser la sienne. »
Les comportements de violence et l’agressivité de son agresseur se sont ensuite mis à augmenter. Un sentiment de panique s’est installé chez elle, lorsqu’elle a réalisé qu’elle ne pouvait plus quitter quand une chicane éclatait.
« J’étais vraiment prisonnière. »
Pression sociale
Les directions de la maison des femmes Autour d’elles et du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) rapportent que la pression sociale et familiale est énorme du côté de la communauté autochtone, afin qu’elles ne dénoncent pas leur agresseur.
« On parle des valeurs familiales. Le noyau familial est grand, les grands-parents, les parents, les petits enfants, tout le monde demeure ensemble », illustre, Martine Girard, de la maison des femmes Autour d’elles.
Isabelle Fortin, directrice du CAVAC mentionne que l’isolement peut faire partie des stratégies de l’agresseur.
« Plus le milieu est petit, plus la pression sociale augmente », dit-elle. « On parle de Sept-Îles, mais il y a tous les petits villages de notre belle Côte-Nord qui sont si beaux, mais dans lesquels la réalité prend une ampleur beaucoup plus importante. »
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